
Par Andrew Berthoff
Depuis que les gens des Nobel ont annoncé que le brillant auteur-compositeur Bob Dylan était le lauréat du Prix Nobel de littérature 2016, on me demande souvent ce que j’en pense. Mes proches connaissent mes études et ma passion pour la littérature ainsi que mon parcours professionnel en communication et marketing au sein de l’industrie de la musique, c’est donc logique de me poser la question.
Alors… J’en pense quoi??
Je crois que c’est fantastique pour la noble et honorable profession de création musicale. J’adore le fait que cela mette en lumière le combat noble et honorable de la SOCAN, soit de défendre les droits des créateurs et éditeurs de musique. Ne serait-ce que pour ça, j’aime cette décision.
J’ai toutefois — à l’instar de Dylan lui-même, je crois — l’impression que ce Prix est inapproprié, ne serait-ce que parce que le principal intéressé aime la simplicité dans son métier et son travail. Ni plus ni moins. Il affirme que « Blowin’ in the Wind » a été créée en 20 minutes. Elle lui est venue naturellement, les muses l’inspirant avec urgence et aisance, comme elles le font quasi miraculeusement, mais tout aussi rarement.
L’écriture de chansons et la composition de musique sont presque toujours un dur, dur labeur. Il y a quelques rares exemples de classiques instantanés, tout comme il y a des chefs-d’œuvre de Picasso qui ont été créés en quelques minutes. Mais la vaste majorité des chansons et autres œuvres musicales nécessitent, figurativement, de suer sang et eau — et un temps considérable à compléter.
Si Bob Dylan se prenait vraiment au sérieux et avait une attitude précieuse face à son travail, il aurait sûrement une opinion différente de se voir décerner — et encore moins d’accepter — le Prix Nobel de littérature. Le fait qu’il soit si humble et insaisissable à propos de son art rend justement cet honneur d’autant plus compliqué.
J’ai tendance à croire que d’accorder le Prix Nobel de littérature à un auteur-compositeur est un coup de publicité brillant et sans doute calculé. Il surprend et réjouit. Il fait parler les gens. Tout comme une grande œuvre d’art, il suscite une réaction, et celle-ci n’a pas à être positive pour qu’il soit considéré comme réussi. La controverse crée l’intérêt et sensibilise. En choisissant l’insaisissable et capricieux Bob Dylan, les responsables ont sans doute anticipé que sa réaction, ou plutôt son absence, en l’occurrence, ajouterait un peu d’intrigue et attiserait la controverse entourant ce choix.
Ce coup publicitaire pourrait toutefois nuire à l’image de marque « Nobel ». Les grands maîtres de la littérature qui s’offusquent de ce choix sont nombreux et plus véhéments même que lorsque le Prix Nobel de la paix avait été accordé à Barack Obama après relativement peu d’années en poste. Mais dans toute remise de prix subjective, la liste des gens qui n’ont pas reçu ce prix remet inévitablement en question la liste des lauréats. L’inférence, ici, c’est que Bob Dylan serait un plus grand auteur que Joyce, Proust ou Nabokov.
Même si la réputation du Prix Nobel a peut-être souffert, ce qui n’a rien pour me plaire, j’aime toutefois le fait que la crédibilité de l’écriture de chansons en tant que forme d’art respectable a pris du gallon.
Le Prix Nobel en sciences économiques a été instauré en 1969, et peut-être que la solution à l’actuelle controverse serait que l’institution plus que centenaire instaure une nouvelle catégorie : Le Prix Nobel en Musique. Ça tombe sous le sens et ça permettrait aux Prix de prendre de l’expansion. Tout comme les nouvellistes, les dramaturges et les poètes peuvent être en lice pour le Nobel de littérature, tous les types de créateurs musicaux pourraient l’être pour le Nobel en musique.
Et je m’attendrais de plus à ce que des membres SOCAN comme Leonard Cohen et Joni Mitchell en soient de futurs lauréats.