Archives par étiquette : Canadian Music Industry

Si le Massey Hall m’était conté…

publié 11/3/2021

Par David McPherson

David McPherson, un collaborateur régulier du magazine Words & Music de la SOCAN, vient de publier son deuxième livre, Massey Hall (Dundurn Press, 2021), qui raconte l’histoire de la légendaire salle de spectacle de Toronto, vieille de 127 ans. Jouer dans cette salle a toujours été un rêve pour tous les musiciens canadiens. Quelques semaines après la rédaction de ces lignes et après des années de rénovations majeures, la salle rouvrira ses portes. Nous soulignons donc les deux événements en demandant à David de nous parler de quelques-uns de ses propres souvenirs de spectacles inoubliables au Massey Hall. Le livre est disponible ici et vous pouvez suivre David sur Twitter et Instagram, au @mcphersoncomm et @masseyhallbook sur ces deux médias.

Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai quitté le trottoir de la rue Shuter à Toronto et que j’ai franchi ces trois portes rouges. La magie entre les murs du Massey Hall était palpable. Je l’ai ressentie immédiatement et elle ne m’a jamais quitté. J’ai ressenti l’esprit des artistes qui avaient franchi cette entrée et étaient montés sur cette scène historique au cours du siècle dernier. J’étais loin de me douter ce soir-là qu’un jour, j’écrirais un livre sur ce lieu emblématique et culturellement important. C’est avec humilité que j’ai eu le soutien et la confiance de l’équipe du Massey Hall et de mon éditeur (Dundurn Press) pour raconter cette histoire. Tout comme Hart Massey a fait don de ce monument vivant à la ville de Toronto en 1894, avoir le privilège de raconter l’histoire du bâtiment a été un honneur incroyable que je n’ai pas pris à la légère.

Depuis le premier concert que j’ai vu au Massey Hall (The Pretenders, le 1er mars 2000), je me suis assuré de communier régulièrement dans cette église de la musique au cours des années qui ont suivi. J’y ai vu d’innombrables spectacles, et chacun d’entre eux reste gravé dans mon esprit pour différentes raisons. Il suffit que je regarde le talon du billet pour que mon esprit s’emballe – des flashs de cette nuit reviennent, un sourire se dessine sur mon visage et, pendant un bref instant, je me perds dans la musique d’un autre souvenir au Massey Hall.

Pour une raison quelconque, je n’avais jamais vu de spectacle au Massey Hall avant de m’installer à Toronto à la fin des années 1990. Au secondaire, j’habitais à plus d’une heure de route, à Kitchener-Waterloo. J’ai assisté à la plupart des concerts que j’ai vus – dans ce que l’on considérait alors comme la « grande ville » – dans des salles comme le Maple Leaf Gardens, Exhibition Place au CNE, The Forum à Ontario Place et Kingswood Music Theatre à Canada’s Wonderland. Ce qui me frappe, c’est que tous ces lieux où j’ai vu certains de mes premiers concerts (The Who, The Rolling Stones, Steve Miller Band, Tragically Hip, pour n’en citer que quelques-uns) ont disparu, mais Massey est encore là. En soi, cela rend la Grande Dame de la rue Shuter d’autant plus unique.

Au secondaire, les concerts me permettaient d’échapper à mes pensées, de partager des moments musicaux avec mes meilleurs amis et d’être un adolescent, tout simplement. Par exemple, je me souviens avoir bu des bières alors que j’étais mineur au Golden Griddle avant un concert d’Iron Maiden au Maple Leaf Gardens. Bien que mon père et moi ayons assisté à de nombreux matchs des Maple Leafs aux Gardens pendant ma jeunesse, je n’aurais jamais même pensé aller voir un concert avec lui. J’ai appris à aimer Jimmy Buffett, Neil Young, Gordon Lightfoot et Joni Mitchell en fouillant dans sa collection de vinyles, mais la relation musicale entre mon père et moi s’est arrêtée là.

Quand j’ai reçu mon diplôme universitaire, le fossé entre nos goûts musicaux, qui avait déjà été aussi grand qu’une forêt, a rétréci. Nous avons trouvé des points communs et l’étape suivante était, logiquement, d’aller voir des concerts ensemble. Et on s’est gâtés! The Guess Who, The Chicks, The Eagles, CSNY et tant d’autres. . . Depuis, j’ai vu plus de concerts avec mon père qu’avec qui que ce soit d’autre, et beaucoup de ces concerts étaient au Massey Hall. Pas surprenant que je lui aie dédié mon nouveau livre sur le Massey Hall. On a vu Lightfoot. On a vu Daniel Lanois et Emmylou Harris. Jackson Browne en solo et aussi Bruce Cockburn. J’ai vu un de mes spectacles préférés de tous les temps, toutes salles confondues, au Massey en compagnie de mon père : la tournée Chrome Dreams II de Neil Young en 2007.

L’été dernier, le jour de mon anniversaire, j’ai reçu l’un des cadeaux les plus spéciaux – et les plus inattendus – de la part de papa : un siège à mon nom au Massey Hall fraîchement rénové avec l’inscription suivante : « David W. McPherson. Author (Massey Hall, Dundurn Press 2021). Music is the elixir of life. » Ce qui a rendu ce cadeau encore plus significatif, c’est que mon père a également acheté un siège pour lui juste à côté du mien avec la dédicace suivante : « Barry D. McPherson. Concerts Together, Forever. » Difficile de ne pas être ému quand j’ai ouvert ce cadeau. J’ai hâte de retourner au Massey Hall cet automne pour voir ces sièges, m’imprégner de la magie de ce lieu rajeuni et partager une autre soirée en musique avec mon père.

J’ai couvert de nombreux autres spectacles à Massey au fil des ans en tant que journaliste et critique musical, notamment Lucinda Williams, Barenaked Ladies, Loretta Lynn, Steve Earle et John Hiatt avec Lyle Lovett. Voir John Prine, mon auteur-compositeur préféré, pour la première fois (le 16 septembre 2006) a été une autre soirée magique.

Voici quelques autres spectacles marquants que j’ai vu avant la fermeture du Massey Hall pour des rénovations qui allaient durer trois ans et coûter des millions de dollars : Jason Isbell (29 août 2017), et la cérémonie du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens (23 septembre 2017), qui a vu Bruce Cockburn et Neil Young intronisés le même soir, avec Whitehorse, Blackie & the Rodeo Kings, William Prince, Randy Bachman, Ruth B et d’autres rendant hommage à ces légendes.

Puis les deux derniers spectacles avant la fermeture en 2018. Le premier fut un spectacle pour souligner le 124e anniversaire de la salle en juin durant lequel Whitehorse agissait comme orchestre maison pour des invités comme Buffy Sainte-Marie, Sarah Harmer, Sam Roberts et Jim Cuddy. La dernière fois que j’ai franchi ces trois portes rouges pour un spectacle, c’était le jour de la fête du Canada 2018, lorsque j’ai vu Gordon Lightfoot jouer dans son deuxième chez-soi, où il s’est produit plus de 165 fois.

Au moment d’écrire ces lignes, le Massey Hall rouvrira dans quelques semaines. Personne ne sera surpris que ce soit Gordon Lightfoot qui inaugurera la nouvelle salle avec une série de trois spectacles. J’ai hâte de voir Lightfoot rejouer dans l’emblématique salle de sa ville natale en compagnie de plus ou moins 2800 personnes sur la même longueur d’onde. Peut-être qu’on s’y croisera lors de ce spectacle ou d’un autre. D’ici là, longue vie à la musique « live » et au Massey Hall!

De plus à propos de David McPherson

La puissance de s’asseoir en cercle

publié 09/28/2021

Par Howard Druckman

(Initialement publié en juin 2019)

Quand j’ai participé à l’édition 2019 de la Manito Ahbee Indigenous Music Conference and Awards à Winnipeg. La première chose qui m’a frappé, c’est le fait que lors de la première journée de conférence, les quelque 50 participants étaient assis en cercle. Ça peut paraître simpliste, mais c’est incroyablement puissant comme idée.

Ça permet de placer le modérateur et les cinq ou six experts invités au même niveau non hiérarchique que les musiciens qui se sont déplacés pour obtenir ces informations utiles. Cinq ou six microphones sont librement passés aux participants qui souhaitent poser une question. Chaque question trouve un ou plusieurs réponses de la part des experts et même des autres participants. Tout le monde et bienvenu, tout le monde peut voir tous les autres participants, tout le monde peut se faire entendre et tout le monde — du débutant à l’expert — peut partager son point de vue.

Lors de la deuxième journée de conférence, le format était légèrement différent : une table ronde et huit chaises où chaque participant a son micro, et cette table est entourée d’un plus grand cercle où sont assis tous les autres participants. Sans sujet prédéterminé, les participants aussi au centre discutent des questions ou stratégies qui leur passent par la tête, et quiconque est assis dans le grand cercle peut aller s’asseoir au centre pour s’exprimer à mesure que les participants au centre retournent s’asseoir dans le grand cercle. Ici aussi, tout le monde a la chance de s’exprimer et l’information circule librement.

Ces deux approches sont les plus efficaces qu’il m’ait été donné de voir afin de favoriser le partage des connaissances en direct dans le cadre d’une conférence. Elles sont pratiquement révolutionnaires, surtout lorsqu’on les compare avec l’approche habituelle de la majorité des conférences musicales.

Presque toutes les autres conférences auxquelles j’ai participé au cours des trente dernières années utilisaient le format où plusieurs experts et un modérateur sont sur scène et discutent devant un auditoire. La période de questions qui suit dure cinq minutes, parfois moins. Puis, les participants dans la salle se précipitent vers la scène dans l’espoir de pouvoir poser une ou deux questions, et à pei trois ou quatre réussiront. Même lors d’entrevues en tête-à-tête, chaque musicien n’a droit qu’à environ 5 minutes avec chaque expert et ils sont les seuls à recevoir ces connaissances qui ne sont pas ainsi partagées avec le plus grand nombre. Tout ça n’est vraiment pas aussi efficace que l’autre approche.

Il y a beaucoup de leçons à tirer de la manière dont fonctionne la communauté musicale des Premières Nations, et j’ai hâte qu’on s’y mette. Commençons donc par nous asseoir en cercle.

Mettre au point les taux de redevances accordés aux compositeurs à l’image

publié 07/7/2021

Par Amin Bhatia

Ma réaction devant mon relevé de redevances trimestriel du mois d’août 1994 de la SOCAN : « Wow! Ce qui valait normalement au plus une couple de milliers de dollars en vaut maintenant des dizaines. Qu’est-ce qui se passe? Est-ce une erreur? Non. »

Presque 25 ans plus tard…

Ma réaction devant mon relevé de redevances trimestriel du mois d’août 2017 de la SOCAN : « Wow! Ce qui valait normalement des dizaines de milliers de dollars en vaut maintenant au plus deux mille. Qu’est-ce qui se passe? Est-ce une erreur? Non. »

Je me souviens de m’être interrogé sur mon choix de carrière de compositeur de musique pour le cinéma et la télévision. Certains projets valent la peine, mais d’autres sont pourris. C’est un métier difficile pour vos êtres chers, et les heures de travail sont débiles.

J’ai reçu mon premier chèque en août 1994. C’était pour un épisode d’une émission télé qui commençait à bien marcher sur CBS, et ça allait me rapporter autour de 400 $. Aujourd’hui, sur Netflix, ça te donne 4 $.

Pour tout dire, une grande partie de mon répertoire est passée de la radiodiffusion à la diffusion en continu. En ligne, tu gagnes à peine quelques cents contre chaque dollar payé en radiodiffusion. Après des années à investir dans de multiples projets et dans mon entreprise, voilà où j’en suis. Tout arrêter. Réduire le nombre de mes fournisseurs et le nombre d’heures de mon assistant. Discuter de ça avec ma femme. Je l’ai fait, et nous avons opté pour une réduction d’activités.

Telle est la nouvelle réalité à laquelle nous, les compositeurs de musiques pour le cinéma et la télévision, sommes confrontés. La COVID n’est rien (ces mots sont-ils vraiment de moi?) comparativement à la dévastation créée par la diffusion en continu. Les dollars initiaux que nous touchons en entamant un projet couvrent déjà à peine les heures de travail requises pour l’écriture de la musique elle-même. C’est pour ça qu’on a des droits résiduaires. Ceux-ci font que si un compositeur investit temps et talent dans un projet qui remporte du succès, il a le droit de partager équitablement ce succès parce que la participation de sa musique à l’œuvre est aussi importante que celle des membres de la distribution. Mais cela ne nous empêche pas de toucher des paiements microscopiques aujourd’hui comparativement à il y a une couple d’années.

C’est là où j’en suis personnellement, moi qui ai des clients et un catalogue de compositions. Pour un débutant ou une débutante, le jeu n’en vaut tout simplement plus la chandelle.

« La COVID n’est rien comparativement à la dévastation créée par la diffusion en continu »

Les radiodiffuseurs se conforment aux règlements établis par le CRTC pour le partage d’une partie de leurs recettes publicitaires. La SOCAN répartit ensuite ces recettes entre le compositeur et l’éditeur en fonction des rapports de contenu musical soumis. La part de l’auteur est exactement égale à celle de l’éditeur : 50/50. Ça, c’est le modèle utilisé en radiodiffusion. C’est le modèle à suivre.

Les entreprises de diffusion en continu (vidéo à la demande par abonnement, ou VADA) détiennent elles aussi des licences de la SOCAN, mais la rémunération relative à chaque exécution est largement inférieure, et aucun quota de contenu canadien ne s’applique – jusqu’ici.  no Canadian content rules apply – yet. Les sociétés de production exigent de plus en plus souvent que le compositeur leur concède la pleine propriété de ses droits d’auteur comme condition d’embauche. En conséquence, nous, les compositeurs, sommes privés de l’autre flux de recettes auquel nous avions précédemment droit : des redevances de reproduction au Québec et en Europe et, bien entendu, les recettes d’éditions dont nous bénéficiions précédemment. Sans parler des futurs flux de recettes.

Nous progressons lentement dans ce domaine grâce à la SOCAN, à la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image Screen Composers Guild of Canada (SCGC), à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) et à nos organisations sœurs à travers le monde. L’Europe et l’Australie ont fait d’importants progrès en musique et contenu d’information, un autre domaine d’érosion ou les créateurs ne peuvent plus vivre de leurs œuvres à cause de la diffusion en continu et des réseaux sociaux.

Les projets sur lesquels ces organisations travaillent actuellement sont notamment les suivants :

  • quotas de contenu canadien pour la VADA et promotion de la découvrabilité de celui-ci;
  • perception de redevances de droits de reproduction par le biais de la diffusion en continu dans le domaine de la VADA;
  • rétention des droits d’auteur individuels et participation, par le compositeur, à la part de droits d’auteur et de droits de reproduction de l’éditeur; et
  • promotion de l’embauche de compositeurs canadiens de musique à l’image dans les productions étrangères filmées au Canada.

Donc, que peuvent faire les compositeurs de musique à l’image en attendant? Refuser les paiements forfaitaires des producteurs. Ce ne sont pas de mauvaises gens : ils ne se rendent pas compte. Comme compositeurs, insistez sur le partage équitable de la part de l’auteur. Conservez les droits d’auteur inhérents à vos œuvres dans le plus grand nombre de cas possible. Et si un client insiste pour s’approprier votre œuvre comme condition d’embauche, insistez sur la rétention d’une partie des droits et des revenus d’édition. Ces droits appartiennent au compositeur, après tout. Et si vous trouvez ça trop compliqué, faites comme eux, prenez un avocat! Personne ne devrait être capable de vous priver de votre propriété si vous tenez à la conserver. Cette question est plus ou moins réglée au Canada français, et c’est maintenant le tour du Canada anglais.

Si vous me trouvez alarmiste, c’est tant pis, mais je ne changerai pas d’idée. Il s’agit d’une affaire sérieuse. Si nous ne réglons pas la question des droits résiduaires dans le domaine de la diffusion en continu, c’en sera fini de la composition de musique pour le cinéma et la télévision.

À propos d’Amin Bhatia

Qu’est-ce que la copie privée ?

publié 12/9/2020

Par Lisa Freeman

Une « copie privée » est une copie de votre collection musicale que vous faites pour votre usage personnel partout, en tout temps.

La copie privée fait face un défi unique : la technologie a rendu de plus en plus facile pour les consommateurs la copie de musique, mais ce n’est pas toujours possible pour les titulaires de droits d’autoriser, d’interdire ou de monétiser cette activité.

En reconnaissance de ce défi, la Loi sur le droit d’auteur du Canada a été modifiée en 1997 pour permettre aux Canadiens de copier de la musique sur des supports audio pour leur usage privé. En retour, la redevance pour copie privée a été créée pour rémunérer les artistes, musiciens, auteurs-compositeurs, compositeurs, éditeurs de musique et maisons de disques pour l’utilisation de leur musique.

Comment ça fonctionne : chaque fois qu’une entreprise vend un support normalement utilisé pour stocker des copies de musique pour usage privé, les ayants droit reçoivent une petite redevance. Les consommateurs peuvent écouter leur musique partout, en tout temps; la musique accroît la valeur et fait augmenter les ventes des produits des sociétés technologiques; et les créateurs sont rémunérés pour les copies privées non autorisées. Tout le monde y gagne !

Pendant de nombreuses années depuis sa création, le régime de copie pour usage privé a été une source importante de revenus, générant au total plus de 300 millions de dollars de revenus pour plus de 100 000 titulaires de droit. Malheureusement, depuis 2008, le régime est limité à un seul support audio, aujourd’hui pratiquement obsolète : les CD enregistrables. Cela signifie que la compensation pour les créateurs et les entrepreneurs de musique a chuté de 38 millions de dollars en 2004 à 1,1 millions de dollars en 2019 – même si l’activité annuelle de copie a plus que doublé.

Vous pensez peut-être qu’il n’y a plus personne qui effectue des copies de sa collection de musique pour son usage personnel, puisque, de nos jours, nous écoutons de la musique diffusée en continu. Mais rien n’est plus éloigné de la réalité. En effet, les Canadiennes et les Canadiens font toujours des milliards de copies de pièces de leur collection musicale pour les écouter hors ligne. Seul le support sur lequel ces copies sont effectuées a changé : plutôt que les cassettes, ce sont les téléphones et les tablettes. Et, devinez quoi, seule la moitié de ces copies sont payées, par le truchement des licences octroyées aux services de téléchargement et de diffusion.

Notre plus récente recherche montre que la moitié des 5,95 milliards de pistes de musique qui se trouvent actuellement dans les téléphones et les tablettes des Canadiennes et des Canadiens sont des copies non autorisées.

Sans licence ni redevance, ce sont beaucoup de revenus que les créateurs et les entreprises de musique qui sont leurs partenaires ne reçoivent pas. La Loi sur le droit d’auteur n’a pas suivi le même rythme que la technologie, laissant les titulaires de droit non rémunérés. Toutes les copies ne devraient-elles pas compter ?

De légers changements à la Loi permettraient au régime de perception de la copie privée de revenir à son intention originale : être un régime flexible, neutre sur le plan technologique, qui permet aux titulaires de droits de recevoir une compensation pour les copies privées de musique sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.

Plus précisément, les modifications que nous proposons d’apporter à la Loi sur le droit d’auteur permettraient au régime de s’appliquer à la fois aux supports audio et aux appareils. La SCPCP propose aussi de légères modifications àla Loi pour qu’il soit clair que cette exception à la violation du droit d’auteur ne s’applique pas à l’offre et à l’obtention de musique sans autorisation, que ce soit par un service en ligne non autorisé, l’extraction de flux audio ou le vol d’un album dans un magasin : une telle activité demeure illégale. Le régime de copie privée vise les copies qui ne peuvent être contrôlées.

L’adoption de ces modifications permettrait à la SCPCP de demander à la Commission du droit d’auteur du Canada d’approuver une redevance sur les téléphones intelligents et les tablettes sur lesquels les Canadiens font désormais leurs copies privées. La Commission du droit d’auteur déterminerait la valeur de toute redevance approuvée sur les appareils, mais les redevances proposées par la SCPCP ne représenteront certainement qu’une petite fraction du coût d’un appareil et se compareront à la redevance moyenne exigible sur un téléphone intelligent en Europe : environ trois dollars canadiens, soit le prix d’une tasse de café. Cette redevance permettrait de générer quelque 40 millions de dollars par année.

Avec l’aide de nos sympathisants, nous avons demandé au gouvernement de modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de garantir que le régime de copie privée soit neutre sur le plan technologique. En allant de l’avant avec ce changement législatif, nous créerons une véritable solution de marché pour l’industrie de la musique, ce qui contribuera à relancer l’économie canadienne de la musique alors qu’elle se remet de la pandémie de COVID-19.

Le gouvernement devrait déposer un projet de loi sur la réforme du droit d’auteur sous peu, pour donner suite à ce qu’il a entendu dans le cadre du récent examen parlementaire de la Loi sur le droit d’auteur. Nous avons besoin de vous pour nous assurer que la réforme du régime de copie privée demeure une priorité.

Comment pouvez-vous aider?

Vous pouvez nous aider de plusieurs manières :

Lisa Freeman est la directrice générale de la SCPCP.

À propos de Lisa Freeman

Les relations publiques en temps de manif

publié 10/1/2020

Par Dalton Higgins

Ces derniers mois sont loin d’avoir été ordinaires pour moi. En tant que propriétaire afro-canadien d’une des plus entreprises de relations publiques les plus en vue au Canada qui se spécialise dans la musique Noire (rap, R&B, électronique), j’ai été aux premières loges — bien avant les manifestations, les carrés Noirs et les mots-clics — d’innombrables et dégoutants gestes racistes anti-Noirs qui vous feraient tourner la tête comme une hélice d’hélicoptère. Ici même. Au Canada. Dans la « multiculturelle » Ville Reine, Toronto.

Parler de racisme structurel et systémique au Canada signifie prendre le temps de regarder autour de soi, regarder les faits (pas les émotions) et observer les mesures concrètes d’équité — comme la représentativité — en place. Aucune donnée concrète n’est (pour l’instant) colligée au Canada afin de déterminer la cote des entreprises canadiennes de l’industrie de la musique et des relations publiques lorsque vient le temps d’embaucher et de retenir des employés Noirs. Les États-Unis sont toujours loin devant nous au chapitre des données raciales. Selon Data USA, à peine 7,15 % des publicitaires sont Noirs (non hispaniques).

Mais pas besoin de statistiques pour le voir. Notre industrie n’est pas si grande. Allez dans n’importe quel gala de prix, colloque, festival de musique et autres conférences, et vous verrez comme moi que notre présence est minime, voire inexistante. Jessie Reyez, lauréate de plusieurs prix JUNO et qui n’est pas Noire, a tellement été choquée par le manque de représentation Noire dans les principales maisons de disques canadiennes qu’elle a énuméré, dans le cadre de l’émission spéciale Change and Action : Racism in Canada, diffusée par CTV, la liste des pourcentages incroyablement bas d’employés Noirs employés par ces entreprises avant de dire que « ça n’est pas acceptable. »

Et comme le nombre d’entreprises de gestion d’artistes, de tourneurs, d’avocats du divertissement, de directeurs musicaux et de la programmation, de promoteurs, de propriétaires de salles, etc., est ridiculement bas dans l’industrie du divertissement au Canada et étant donné que ces postes ont une relation naturellement symbiotique — p. ex., « 65 pour cent de ma clientèle arrive par le bouche-à-oreille » —, il n’est pas difficile de voir que les dés sont pipés.

J’ai toujours été en faveur de la notion qu’il faut « construire ses propres chances » et être propriétaire de son entreprise — les « entrepreneurs en série » ont une certaine façon de faire les choses —, mais c’est surtout dû au fait que j’ai grandi en lisant au sujet des exploits du regretté titan des affaires Marcus Garvey qui insistait que les gens de la communauté Noire doivent être propriétaires de leurs entreprises, de leur immobilier et de leurs moyens de production et de distribution afin de vivre une existence plus épanouie.

Par ailleurs, il est indéniable que si je n’avais pas été un acteur de longue date dans les médias au Canada et aux États-Unis, mon entreprise serait morte il y a longtemps. Je ne mentirai pas. Nos services sont très demandés au cours des cinq dernières années, et c’est peut-être dû au fait que nous produisons des résultats pour nos clients et, souvent, nos devons travailler cinq fois plus que notre concurrence. (Bon nombre de jeunes Noirs se font dire par leurs parents que le racisme anti-Noir signifie qu’ils doivent 10 fois meilleurs que les blancs et qu’il se pourrait quand même qu’ils reçoivent la moitié moins de résultats.) Et je ne parle pas de la concurrence provenant d’autres boîtes de relations publiques.

Le périple d’un publicitaire Noir au Canada, c’est d’être assis, impuissant, pendant qu’une pléthore d’artistes rock, indie rock, country et folk médiocres reçoivent plus d’attention de la part des médias locaux que certains de nos artistes rap, R&B et électronique de calibre mondial. Ironiquement, ils attirent énormément d’attention de la part de médias majeurs aux États-Unis — Billboard, SPIN, Hypebeast —, sans parler du fait qu’ils ont plus d’écoute sur les plateformes de diffusion en continu, plus d’abonnés sur les réseaux sociaux et qu’ils sont généralement plus cools.

La domination totale de la musique Noire contemporaine (c.-à-d. le rap et le R&B) au chapitre des diffusions en continu et des ventes est aux antipodes de la couverture médiatique qu’on lui accorde au Canada. C’est le proverbial éléphant rose dans la pièce. Si les médias musicaux étaient une réelle méritocratie basée sur les ventes, la culture des jeunes, la pénétration du marché, le potentiel de croissance, le facteur « cool » et toutes les autres mesures de ce qui est pertinent et in dans le domaine de la musique, on entendrait et verrait beaucoup plus d’artistes Noirs à la télé, à la radio, dans les journaux et les magazines et sur les blogues. Ce qui n’est pas le cas au Canada.

Je ne parlerai même pas des microagressions que j’endure quotidiennement pendant que je dirige mon entreprise et que je fais mon boulot. Y a-t-il une raison pourquoi les employés de soutien (ou les gardiens de sécurité) dans les entreprises médiatiques qui retiennent nos services me demandent systématiquement – et de manière clairement méfiante – « est-ce que je peut faire quelque chose pour vous aider ? » quand j’arrive dans leur lobby, sous-entendant que je n’y suis pas à ma place même si c’est évident que je suis là pour une réunion ou pour aider mon client ? Si j’étais blanc, c’est clair qu’ils ne viendraient pas vers moi en me posant des questions aussi idiotes. Peut-être que la prochaine fois qu’on me demandera « est-ce que je peux vous aider ? », je vais répondre « Hhhmmm, oui, vous pouvez m’aider en vous ôtant de mon putain de chemin pour que je puisse aider mon client qui est finaliste aux Grammy/lauréat de prix JUNO/au sommet du palmarès des ventes, s’il vous plait, et merci. »

En tant que publicitaire Noir, je dois malheureusement passer — perdre ! – un temps incalculable à éduquer les gens sur la race, l’ethnicité et l’histoire de la musique. Mais le fait que je suis Noir ne signifie pas que je ne représente que des artistes Noirs. Je représente les intérêts d’artistes blancs, asiatiques, autochtones, sud-asiatiques et latino-américains, et tout ça parce qu’il y a, depuis une vingtaine d’années, beaucoup d’hybridation. La plupart des bons musiciens contemporains, peu importe leurs désignations culturelles et raciales, ne croient pas aux vases clos des genres musicaux.

Et de toute façon, la musique et la culture Noire influencent les créations de tout le monde. C’est vrai depuis toujours. D’où croyez-vous que le « Roi du Rock “n’ Roll » a puisé son inspiration, son style de jeu à la guitare et ses pas de danse ? Vous n’allez pas me dire que vous ne connaissez pas Bo Diddley ? Il ne faut jamais oublier que l’habit ne fait pas le moine, comme je l’ai appris très vite après avoir travaillé pendant quelques années dans la scène musicale soi-disant « musique du monde ». C’est la scène musicale sans doute la plus problématique lorsque vient le temps de gérer ses problématiques de racisme, de représentativité, de colonisation et d’autres pratiques d’embauche douteuses, mais j’y reviendrai dans un autre texte.

Que réserve l’avenir aux professionnels de mon genre ? Nous voulons essentiellement n’avoir rien à faire avec « l’ancienne garde ». Pourquoi ? Parce que rien ne nous ennuie plus que l’homogénéité. De toute façon, bien honnêtement, je préfère de loin mettre temps et efforts à bâtir une nouvelle garde plus intéressante et représentative de nos réalités démographiques et musicales contemporaines. Malgré ce que font certains des derniers « cerbères » (on vous voit), les styles musicaux qu’ils soutiennent sont en train de mourir de leur belle mort. Et ce que j’écris ici n’a rien à voir avec ce déclin. C’est à cause des gens. Les consommateurs de musique. Ils veulent plus de hip-hop, de R&B, d’Afrobeat, de musique électronique. Peut-être que nous vivons sur la planète hip-hop et vous aussi.

Mais malgré tous ces irritants anti-Noirs dans l’industrie, je vais continuer de travailler avec mes talentueux clients afin de faire connaître leur histoire. Je tire encore la plus grande satisfaction de réussir un bon coup dans les médias pour mes clients, qu’ils soient des vedettes ou pas. Et c’est vrai que vous allez continuer à me voir faire la fête avec mes clients en émergence autant que ceux qui sont des célébrités. Même pendant que Paris brûle.

À propos de Dalton Higgins

L’inventivité canadien remplace l’isolement par l’adaptation

publié 06/24/2020

Par Howard Druckman

Il y a maintenant plus de trois mois que les instructions des responsables de la santé publique nous condamnent à l’auto-isolement en réponse à la propagation du virus de la COVID-19. Les 100 derniers jours n’ont pas été faciles pour celles et ceux qui font de la musique.

À une époque où l’écoute de la musique en ligne est devenue la norme et où les taux de redevances d’exécution sont au plus bas, les spectacles en direct sont le refuge le plus sûr des créateurs de musique désireux de continuer à gagner leur vie. Depuis que les salles ont été contraintes à fermer leurs portes, les musiciens se sont tournés vers les plateformes de diffusion en ligne pour survivre – qu’il s’agisse d’offrandes, de vente de billets ou de redevances du programme Encore! de la SOCAN.

Même si les règles commencent à s’assouplir dans certaines régions du pays, la première vague n’est pas encore terminée, et nous vivons sous la menace d’une seconde vague, ce qui veut dire que la rareté des spectacles en direct pourrait durer plus longtemps que prévu.

La bonne nouvelle, c’est que l’inventivité des Canadiennes et des Canadiens remplace l’isolement par l’adaptation. Une poignée de musiciens ont mis leur créativité au service de la découverte de façons sécuritaires de présenter des concerts en direct en pleine pandémie. La nécessité est la mère de l’invention, et certaines des solutions qui ont vu le jour dernièrement sont franchement élégantes.

Concerts organisés dans un ciné-parc. Le premier projet canadien de concert organisé dans un ciné-parc  dont j’ai entendu parler a été celui de la formation québécoise 2 Frères. Ce fut ensuite le tour de July Talk et de Brett Kissel, puis du RBC Bluesfest avec le CNA à Ottawa. Écouter de la music en direct en toute sécurité dans votre auto me semble être un excellent compromis. J’aime l’idée que ça donne une seconde vie aux ciné-parcs, dont on se souvenait avec une certaine nostalgie. Un concert rock présenté depuis le toit d’un immeuble devant un terrain de stationnement rempli d’autos était également prévu à Prince George, en Colombie-Britannique. Dans la même veine, une nouvelle organisation appelée Hotels Live lance la toute première série de concerts de balcon d’hôtel au Canada, initiative qui rappelle le concert présenté à Montréal par Martha Wainwright sur un balcon.

Mini-concerts. Les musiciens peuvent se produire en toute sécurité devant des auditoires d’une personne ou de deux, trois ou quatre membres d’une même famille à la fois. Le Festif! de Baie-Saint-Paul (Charlevoix, Québec) a entrepris une série « tournée des portes » dans le cadre de laquelle il chantait une chanson devant une maison, puis une autre devant celle du voisin. Matt Masters, de Calgary, vend des billets pour des concerts sur le trottoir présentés à partir du toit de sa mini-fourgonnette devant des maisons de fans. Son concitoyen Michael Bernard Fitzgerald accueille dans sa cour arrière des auditoires de quatre spectateurs à la fois dans le cadre de mini-concerts.  À Esquimalt, en Colombie-Britannique, Jeff Stevenson se tient sur la rive de la Gorge Waterway pour faire une sérénade à des groupes de personnes qui passent en bateau. Stéphanie Bédard, au Québec, fait quelque chose de similaire avec son « Tour des lacs ». Les Dear Criminals de Montréal ont présenté 72 prestations en direct d’une chanson chacune en trois jours au Cabaret du Lion d’Or devant des auditoires de deux personnes à la fois.

Scènes mobiles. Les musiciens peuvent effectivement faire des tournées en apportant leur scène avec eux afin de respecter les règles de distanciation physique. Michael Bernard Fitzgerald se propose d’entreprendre à l’automne une tournée des fermes canadiennes devant des auditoires de 10 personnes par soir à partir de la « Greenbriar », une scène en plein air qu’il a construite. Dans le même ordre d’idées, le Io Project est une scène mobile « anti-COVID » qui permet aux artistes de se produire en direct devant jusqu’à 250 spectateurs regroupés par grappes de deux à quatre personnes et isolés par des feuilles de plaxiglass.

Autres idées

* Pourquoi pas une série de concerts de cour intérieure dans le cadre desquels les musiciens se produiraient dans la cour d’immeubles résidentiels sélectionnés pendant que les locataires écoutent leur musique en toute sécurité sur leur balcon?
* Ou, à l’inverse, en répartissant les membres d’un groupe sur plusieurs balcons d’un immeuble résidentiel et en les faisant jouer à distance devant un public confortablement installé plus bas dans la cour intérieure?
* On pourrait engager des musiciens individuels pour se balader à intervalles réguliers dans des sentiers pédestres ou des parcs publics, à une distance réglementaire, afin de distraire les gens qui prennent de l’exercice à l’extérieur durant la pandémie et de rendre leurs sorties encore plus agréables.
* Les municipalités de partout au pays pourraient permettre aux restaurants d’accueillir des artistes sur leur terrasse pour ajouter une note de gaieté à leurs repas en plein air (même si la Ville de Toronto en a dernièrement décidé autrement en assouplissant les règles liées à la pandémie).
* Pourquoi ne pas permettre la présentation de spectacles dans des kiosques de parcs publics où une distanciation sociale (modérément appliquée) est observée?

Ces façons intelligentes de s’adapter prouvent qu’il est encore possible de songer à de nouvelles manières de se présenter en spectacle en espérant que d’autres idées brillantes soient mises à exécution. Un grand merci à celles et ceux qui découvriront de nouvelles façons géniales de nous rapprocher un peu plus des joies de la musique en direct.

À propos de Howard Druckman

COVID-19 : vers des jours meilleurs

publié 04/2/2020

Par Alan Cross

Un soir du début de l’an 1348, un rat détalait dans une rue de Florence, en Italie. Ce rat était un passager clandestin dans une charrette transportant des biens depuis le port de Livourne. Peut-être s’était-il caché dans le cargo d’un navire arrivant de Grèce, de Crimée ou d’une lointaine destination encore plus à l’est.

Mais ce rat était lui-même le vaisseau d’autres passagers clandestins : des puces infectées par la bactérie Yersinia pestis, à l’origine de la peste bubonique. L’absence quasi totale de mesures sanitaires et d’hygiène à Florence permettra à la population de rats d’exploser et, conséquemment, aux cas de peste noire également.

À la fin de cette année, Florence était devenue l’épicentre d’une pandémie. En à peine trois ans, 50 000 personnes — la moitié de la population de la ville — ont perdu la vie.

Une chose étrange s’est néanmoins produite. La peste a changé la vision du monde de l’humanité entière. Les gens ont remis leur propre existence et la réalité même en question. Les gens ont commencé à réfléchir à leur situation en tant qu’êtres vivants plutôt que de placer l’église et la promesse du paradis au centre de leurs vies. Cette nouvelle attitude que nous avons depuis baptisée humanisme finira par dominer le discours des érudits, des intellectuels et des artistes.

Ce changement radical de philosophie donnera naissance à la Renaissance, une époque qui a vu l’Europe du Moyen-Âge entrer dans l’ère moderne. Florence — et l’Italie en entier — est entrée dans une période qui nous a donné d’innombrables œuvres d’art dans le domaine de la peinture, de l’architecture et de la poésie, notamment. D’ailleurs, le terme « mort noire » (mors nigra, ne latin) a fait son apparition dans un poème écrit en 1350 par l’astronome belge Simon de Covino.

Il va sans dire que le domaine de la musique a également été bouleversé.

Après des siècles de création musicale articulée autour de l’accord pythagoricien, un nouveau langage musical axé sur la polyphonie était en émergence. La presse typographique — une invention de la Renaissance — a permis de disséminer les partitions musicales d’un bout à l’autre du continent. Les premières vedettes de la musique — compositeurs et interprètes — ne tardèrent pas à voir le jour.

Faisons maintenant un bond de quelques siècles vers le futur. Pendant que la population mondiale se remettait de la peste noire, l’Europe fut frappée par d’autres épisodes de peste. Henry VIII a passé un certain temps en confinement volontaire en raison d’une épidémie de suette en 1529. Une autre grande épidémie frappera Londres au début des années 1600.

Et une fois encore, ces périodes d’anxiété extrême ont donné naissance à de grandes œuvres d’art. En 1606, Shakespeare écrira King Lear, Macbeth et Antoine et Cleopatra. Au même moment, des compositeurs comme Bach, Vivaldi et Haendel entreprirent des expériences musicales qui devinrent le mouvement baroque, un mouvement musical qui influencera la musique pendant des siècles.

Faisons un autre bond de quelques siècles. Fin 19e et début 20e siècle, l’une des villes les plus insalubres du monde était La Nouvelle-Orléans. La chaleur, l’humidité, les marécages et l’influx constant de navires en provenance du golfe du Mexique, des Carraïbes et d’un peu partout à travers le monde en feront une plaque tournante pour des maladies comme l’influenza — une pandémie de la maladie en 1889-90 a tué au moins un million de personnes —, le choléra, l’encéphalite, la fièvre jaune et, encore une fois, la peste bubonique. Malgré cela, La Nouvelle-Orléans trouvera les ressources pour inventer le ragtime et le jazz, la forme dominante de musique en Amérique du Nord pendant la première moitié du 20e siècle.

Lorsque le jazz s’est répandu aux quatre coins du monde dans les années 1920, il y a lieu de se demander si c’était une réaction de joie dans la foulée de la fin de la première Grande Guerre ou dans la foulée de la fin de la pandémie de grippe espagnole de 1918-1920. Sans doute un peu des deux.

Prenons encore l’exemple de la crise du SIDA/VIH de la fin du 20e siècle. Pensez à la quantité phénoménale d’œuvres remarquables — musique, théâtre, romans, films, chorégraphies, et j’en passe — qui a été inspirée par cette pénible époque.

Maintenant, prenez un instant pour réfléchir à ce qui se passe aujourd’hui. Les temps sont sombres pour l’industrie de la musique. Personne n’est en tournée. Les salles de spectacles sont fermées. Les ventes de musique sont à leur plus bas niveau depuis les années 60. Même la diffusion en continu est en baisse, vraisemblablement parce que les gens se tournent vers d’autres formes de divertissement pendant leur confinement. Les musiciens, leurs équipes techniques, les promoteurs, agents, gérants — tous les gens associés de près ou de loin à l’art et aux affaires musicales — ont vu leur façon habituelle de travailler complètement chambardée.

Mais ça ne veut pas dire qu’il n’en ressortira rien de bon. Les artistes ont déjà trouvé des façons créatives de rejoindre leur public sur diverses plateformes de diffusion en direct. D’autres profitent de ce temps pour créer, expérimenter et enregistrer. Combien de jeunes, ne sachant quoi faire d’autre, ont finalement ramassé cette guitare ou se sont assis au piano et se sont découvert un talent inné pour la musique ? Certaines entreprises ont mis gratuitement à la disposition de tous des applis de synthés afin que les gens puissent s’amuser. Qui sait ? Cela pourrait déboucher sur quelque chose d’incroyablement bon et inattendu ! Je parie que ce sera le cas.

Quand tout ça sera derrière nous, on pourrait bien se retrouver avec encore plus d’excellente musique que ce qu’on pourrait penser. L’automne 2020 et les premiers mois de 2021 pourraient fort bien être une période très excitante. Et même si les concerts virtuels et les diffusions en direct se poursuivent, notre société aime être présente physiquement lorsque des œuvres d’art sont présentées publiquement. Les spectacles et les tournées reprendront de plus belle.

D’ici là, je suggère à tous les artistes de tenir un journal quotidien. Notez tout ce que vous ressentez et toutes vos observations sur l’actuelle condition humaine. Documentez ce qui se passe à votre façon bien personnelle. Qui sait quelles percées créatives en ressortiront ?

Mais avant toute chose, tenez bon. Demeurez en sécurité et protégez votre santé. Concentrez-vous sur ce que vous faites le mieux. Si le passé est garant de l’avenir, cette période anxiogène débouchera sur de grandes œuvres d’art. Et l’une d’elles sera peut-être la vôtre.

À propos d’Alan Cross

Ne serait-ce pas merveilleux si CBC Music/Ici Musique diffusait la musique canadienne?

publié 03/18/2020

Par David Myles

Les textes publiés sur le blogue Musique. Monde. Conntectés. de la SOCAN reflètent les opinions de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de la SOCAN.

Je venais tout juste de terminer ma balance de son et je profitais d’un bon souper avant de monter sur scène lorsque le présentateur de la soirée nous a annoncé que le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait interdit les rassemblements de plus de 150 personnes.

Notre concert a donc été annulé, tout comme le reste des spectacles qui étaient prévus au cours des deux prochains mois. Je n’étais pas le seul ; tous les musiciens que je connais se sont retrouvés dans la même situation. C’était partout.

Les tournées sont notre principale source de revenus. Sans cette source de revenus, toutes les autres sources de revenus prennent une importance capitale.

C’est en lisant les publications en ligne de tout ce monde que ça m’a frappé : et si CBC Music/Ici Musique ne jouait que des contenus canadiens au cours des deux prochains mois ? Ça semble une façon simple, directe et facile de faire une grosse différence.

L’infrastructure est en place pour que la SOCAN collecte ces redevances et pour que la CBC Music/Ici Musique programme de la musique 24 heures par jour.

Le mandat de la CBC Music/Ici Musique est déjà de soutenir la musique canadienne/franco-canadienne, de faire preuve d’engagement envers celle-ci et leurs animateurs aiment déjà notre musique. Diffuser des contenus canadiens 24 heures par jour pourrait faire connaître aux gens de la musique canadienne/franco-canadienne qu’ils ne connaissent pas encore.

Cela pourrait être bénéfique pour tous les artistes canadiens de tous les horizons, autant des musiciens qui ont dû annuler une tournée des clubs que quelqu’un comme Jesse Reyez qui allait assurer la première partie d’une des plus importantes tournées mondiales en compagnie de Billie Eilish. Imaginez à quel point elle était investie dans cette tournée avec tous les produits dérivés qu’elle a sûrement fait produire, par exemple.

Si la CBC Music/Ici Musique posait un tel geste, cela ferait une réelle différence dans la vie de plein de musiciens canadiens/franco-canadiens. C’est une opportunité incroyable.

C’est le moment ou jamais de soutenir notre communauté créative.

À propos de David Myles