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La genèse du génie

publié 12/14/2021

Par Andrew Berthoff

« When I was younger, so much younger than today », bref, j’ai grandi avec Les Beatles. Je dois remercier ma maman mélomane pour ça. Parmi mes premiers souvenirs de la fin des années 60, je me souviens être assis à la maison à colorier et à écouter des 33 tours comme Aftermath des Stones, Tommy des Who (je me souviens m’être demandé ce qu’était « Tommy-The-Who » et s’il était comme le Nowhere Man), Blind Faith, Simon & Garfunkel, Cream et, bien sûr, les Fab Four.

Je devais avoir environ 5 ans quand Let It Be est sorti. J’étais l’unique compagnon de ma mère durant le jour pendant toute une année ; mon grand frère et ma grande sœur étant déjà au primaire.

Elle m’emmenait avec elle au cinéma pour voir des films comme Yellow Submarine, True Grit, Bananas de Woody Allen, et je me souviens très bien avoir vu Let It Be au cinéma Varsity. Mes souvenirs les plus marquants sont le plan d’une personne âgée escaladant une échelle de toit sur Savile Row pour avoir un meilleur point de vue sur le groupe, et aussi que John et George me faisaient un peu peur. J’étais plus dans l’équipe de Paul et Ringo.

Même si les Beatles font partie de mon ADN, je ne me considère pas comme un fan fini comparé à d’autres groupes pour lesquelles j’ai consigné à ma mémoire le moindre détail de tout ce qui s’y rapporte. N’empêche, je connais leur musique par cœur et je dirais sans la moindre hésitation qu’ils sont le meilleur groupe de l’histoire. Personne n’a écrit de meilleures chansons, sauf peut-être Cole Porter.

Comme on dit en bon français, j’ai « bingé » l’épique documentaire Get Back de Peter Jackson. Ces neuf heures ont passé comme un coup de vent et je ne comprends pas, même si on tient compte de notre déficit d’attention collectif, comment certains ont pu se plaindre que c’était « trop long ».

Trop long?! Ce sont les 50 années qui se sont écoulées sans qu’une nouvelle séquence ou un nouveau fait soit révélé sur le groupe qui sont trop longues. La sempiternelle histoire révisionniste du groupe est ce qui dure depuis trop longtemps. Trop, c’est le nombre de ces personnes qui nous ont désormais quittées : Lennon, Harrison, Linda McCartney, George Martin…

Après cinq décennies de néant, neuf heures de nouvelles images brillantes et authentiques, c’est tout.

Je ne peux pas imaginer un point de vue plus émerveillant sur l’art et le talent requis pour la création musicale professionnelle que Get Back. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la quantité de travail que ces génies mettent dans leur art. Si vous pensiez qu’une chanson de quatre minutes prend une minute à écrire, vous allez déchanter rapidement. Chacune de leurs chansons est peaufinée, manipulée et retravaillée au fil d’intenses séances de travail pendant un long mois rempli de longues nuits à travailler comme des chiens.

Ils avaient beau être le plus grand groupe du monde, mais ils se sont mis au TRAVAIL

 Get Back n’a que du positif pour les créateurs de musique professionnels. Je ne suis pas auteur-compositeur, mais j’ai écrit et publié de la musique et il est malheureux que trop souvent, le travail d’une vie soit balayé du revers de la main comme étant jetable et « facile ». C’est comme dire qu’un athlète des ligues majeures est « payé des millions pour jouer à un jeu d’enfants », sans tenir compte des milliers d’heures d’apprentissage continu, de pratique et de perfectionnement qui lui ont permis d’en arriver là.

S’il y a une scène de Get Back qui m’a particulièrement fait vibrer, c’est celle où John, George et Ringo sont dans un coin du studio pour discuter d’un sujet plutôt sans importance avec le légendaire producteur Glyn Johns. Hors champ, on entend les tout premiers accords de ce qui deviendra « Let It Be » joués par Paul, assis au piano. Le reste du groupe n’y porte aucune attention et continue de discuter, personne ne sursaute en criant  : « Paul, c’est QUOI ça! » Non, ils discutent parce que c’est ça, la création musicale au quotidien.

Même si pour moi ce moment est emblématique du processus créatif (j’imagine des doigts tendus sur le point de toucher le toit de la chapelle Sixtine), c’est l’un des nombreux incidents discrets, mais envoûtants de Get Back. C’est une expérience profondément spirituelle et quasi religieuse.

J’ai toujours pensé que chaque fois qu’un auteur-compositeur se vante d’avoir mis « 20 minutes à écrire » une chanson à succès, il se rend un mauvais service à lui-même et à ses collègues créateurs de musique.

L’essence de la chanson a peut-être vu le jour en quelques minutes, mais c’est sans compter les années d’apprentissage, de pratique et de préparation qui lui ont permis d’arriver à ce point, et les heures, les jours, les semaines de travail de huit jours, sans parler des mois de bidouillage, d’arrangements, de répétitions, d’enregistrement et de matriçage qui ont fait de sa chanson le succès qu’elle est devenue.

Aucun des membres des Beatles, de mon point de vue, n’avait de prétention ou de grands airs dans les images qu’on voit. Ils avaient beau être le plus grand groupe du monde depuis huit ans, ils se sont quand même présentés au studio avec leurs instruments et ils se sont mis au travail. Ils débattent, cajolent, plaisantent, poussent, ajustent – en un mot, ils collaborent. Ils ne sont pas entrés dans l’espace de répétition avec des idées préconçues de grandeur, ni même avec une indication perceptible à mes yeux qu’ils étaient convaincus qu’ils allaient créer quelque chose de bon.

En effet, comme les meilleurs d’entre nous, c’est leur humilité créative qui a semblé les pousser à aller de l’avant, sans présomption, jusqu’à ce que, finalement, la créativité cède au commerce. Les interruptions créatives des tentacules commerciales commencent à être perceptibles dans la troisième partie de Get Back. Pour moi, un moment aussi triste que les premiers accords de « Let It Be » sont là où la magie s’opère.

On doit beaucoup aux Beatles, mais on doit un immense merci à Get Back de présenter le réel contexte de l’art, du talent et surtout du travail acharné qu’exige la création musicale. Ce que le fil documente, c’est la genèse du génie.

À propos d’Andrew Berthoff

COVID-19 : vers des jours meilleurs

publié 04/2/2020

Par Alan Cross

Un soir du début de l’an 1348, un rat détalait dans une rue de Florence, en Italie. Ce rat était un passager clandestin dans une charrette transportant des biens depuis le port de Livourne. Peut-être s’était-il caché dans le cargo d’un navire arrivant de Grèce, de Crimée ou d’une lointaine destination encore plus à l’est.

Mais ce rat était lui-même le vaisseau d’autres passagers clandestins : des puces infectées par la bactérie Yersinia pestis, à l’origine de la peste bubonique. L’absence quasi totale de mesures sanitaires et d’hygiène à Florence permettra à la population de rats d’exploser et, conséquemment, aux cas de peste noire également.

À la fin de cette année, Florence était devenue l’épicentre d’une pandémie. En à peine trois ans, 50 000 personnes — la moitié de la population de la ville — ont perdu la vie.

Une chose étrange s’est néanmoins produite. La peste a changé la vision du monde de l’humanité entière. Les gens ont remis leur propre existence et la réalité même en question. Les gens ont commencé à réfléchir à leur situation en tant qu’êtres vivants plutôt que de placer l’église et la promesse du paradis au centre de leurs vies. Cette nouvelle attitude que nous avons depuis baptisée humanisme finira par dominer le discours des érudits, des intellectuels et des artistes.

Ce changement radical de philosophie donnera naissance à la Renaissance, une époque qui a vu l’Europe du Moyen-Âge entrer dans l’ère moderne. Florence — et l’Italie en entier — est entrée dans une période qui nous a donné d’innombrables œuvres d’art dans le domaine de la peinture, de l’architecture et de la poésie, notamment. D’ailleurs, le terme « mort noire » (mors nigra, ne latin) a fait son apparition dans un poème écrit en 1350 par l’astronome belge Simon de Covino.

Il va sans dire que le domaine de la musique a également été bouleversé.

Après des siècles de création musicale articulée autour de l’accord pythagoricien, un nouveau langage musical axé sur la polyphonie était en émergence. La presse typographique — une invention de la Renaissance — a permis de disséminer les partitions musicales d’un bout à l’autre du continent. Les premières vedettes de la musique — compositeurs et interprètes — ne tardèrent pas à voir le jour.

Faisons maintenant un bond de quelques siècles vers le futur. Pendant que la population mondiale se remettait de la peste noire, l’Europe fut frappée par d’autres épisodes de peste. Henry VIII a passé un certain temps en confinement volontaire en raison d’une épidémie de suette en 1529. Une autre grande épidémie frappera Londres au début des années 1600.

Et une fois encore, ces périodes d’anxiété extrême ont donné naissance à de grandes œuvres d’art. En 1606, Shakespeare écrira King Lear, Macbeth et Antoine et Cleopatra. Au même moment, des compositeurs comme Bach, Vivaldi et Haendel entreprirent des expériences musicales qui devinrent le mouvement baroque, un mouvement musical qui influencera la musique pendant des siècles.

Faisons un autre bond de quelques siècles. Fin 19e et début 20e siècle, l’une des villes les plus insalubres du monde était La Nouvelle-Orléans. La chaleur, l’humidité, les marécages et l’influx constant de navires en provenance du golfe du Mexique, des Carraïbes et d’un peu partout à travers le monde en feront une plaque tournante pour des maladies comme l’influenza — une pandémie de la maladie en 1889-90 a tué au moins un million de personnes —, le choléra, l’encéphalite, la fièvre jaune et, encore une fois, la peste bubonique. Malgré cela, La Nouvelle-Orléans trouvera les ressources pour inventer le ragtime et le jazz, la forme dominante de musique en Amérique du Nord pendant la première moitié du 20e siècle.

Lorsque le jazz s’est répandu aux quatre coins du monde dans les années 1920, il y a lieu de se demander si c’était une réaction de joie dans la foulée de la fin de la première Grande Guerre ou dans la foulée de la fin de la pandémie de grippe espagnole de 1918-1920. Sans doute un peu des deux.

Prenons encore l’exemple de la crise du SIDA/VIH de la fin du 20e siècle. Pensez à la quantité phénoménale d’œuvres remarquables — musique, théâtre, romans, films, chorégraphies, et j’en passe — qui a été inspirée par cette pénible époque.

Maintenant, prenez un instant pour réfléchir à ce qui se passe aujourd’hui. Les temps sont sombres pour l’industrie de la musique. Personne n’est en tournée. Les salles de spectacles sont fermées. Les ventes de musique sont à leur plus bas niveau depuis les années 60. Même la diffusion en continu est en baisse, vraisemblablement parce que les gens se tournent vers d’autres formes de divertissement pendant leur confinement. Les musiciens, leurs équipes techniques, les promoteurs, agents, gérants — tous les gens associés de près ou de loin à l’art et aux affaires musicales — ont vu leur façon habituelle de travailler complètement chambardée.

Mais ça ne veut pas dire qu’il n’en ressortira rien de bon. Les artistes ont déjà trouvé des façons créatives de rejoindre leur public sur diverses plateformes de diffusion en direct. D’autres profitent de ce temps pour créer, expérimenter et enregistrer. Combien de jeunes, ne sachant quoi faire d’autre, ont finalement ramassé cette guitare ou se sont assis au piano et se sont découvert un talent inné pour la musique ? Certaines entreprises ont mis gratuitement à la disposition de tous des applis de synthés afin que les gens puissent s’amuser. Qui sait ? Cela pourrait déboucher sur quelque chose d’incroyablement bon et inattendu ! Je parie que ce sera le cas.

Quand tout ça sera derrière nous, on pourrait bien se retrouver avec encore plus d’excellente musique que ce qu’on pourrait penser. L’automne 2020 et les premiers mois de 2021 pourraient fort bien être une période très excitante. Et même si les concerts virtuels et les diffusions en direct se poursuivent, notre société aime être présente physiquement lorsque des œuvres d’art sont présentées publiquement. Les spectacles et les tournées reprendront de plus belle.

D’ici là, je suggère à tous les artistes de tenir un journal quotidien. Notez tout ce que vous ressentez et toutes vos observations sur l’actuelle condition humaine. Documentez ce qui se passe à votre façon bien personnelle. Qui sait quelles percées créatives en ressortiront ?

Mais avant toute chose, tenez bon. Demeurez en sécurité et protégez votre santé. Concentrez-vous sur ce que vous faites le mieux. Si le passé est garant de l’avenir, cette période anxiogène débouchera sur de grandes œuvres d’art. Et l’une d’elles sera peut-être la vôtre.

À propos d’Alan Cross

Closer to my heart

publié 01/16/2020

Par Andrew Berthoff

Ce billet de blogue écrit par Andrew Berthoff, chef des Communications et du Marketing de la SOCAN, a été publiée sur le site web du Toronto Star le 14 janvier 2020, ainsi que dans la version imprimée du quotidien le même jour.

J’avais 14 ans et j’habitais la banlieue de St-Louis, Missouri, quand j’ai entendu parler de Rush pour la première fois.

C’est mon ami Bret qui m’a parlé de cet étrange trio canadien. Bret les connaissait parce que sa très cool grande sœur, férue de Zeppelin, Steely Dan et des Moody Blues, avait acheté leur album A Farewell to Kings.

Il a fallu peu de temps avant que notre petit groupe d’amis aussi socialement maladroits qu’intelligents se réunisse pour écouter les sillons de Hemispheres, envoûtés par les paroles et la virtuosité percussive de Neil Peart, le batteur de Rush.

Soudainement, nous étions notre propre petite clique. C’était devenu cool d’être marginal. C’est surtout Peart qui nous a attirés vers le Canada.

Et comme si ça n’était pas suffisant, mon côté « nerd » musical a décidé d’apprendre à jouer de la cornemuse et j’étais aussi passionné par cet instrument que je pouvais l’être par le mysticisme des paroles de Peart, les « riffs » à deux manches de Lifeson et l’improbable amalgame de la voix de fausset et du jeu de basse de Lee. Cornemuse et Rush : les improbables mots-clés de mon adolescence.

Ces beaux jours de l’ère pré-Internet nous ont rendus curieux d’en savoir toujours plus à leur sujet. Geddy ? Des références poétiquement romantiques au sujet du « Kubla Khan » de Coleridge ? Cygnus ? Où étaient donc situés ce Lakeside Park et ses fantastiques saules bercés par une douce brise ? Et comment prononce-t-on « Peart », exactement ? Pert? Pea-art? Est-ce qu’un parolier cool à la moustache satinée parviendrait à le faire rimer avec « heart » ?

Une chose était certaine : l’art était au cœur de Peart.

De fil en aiguille, j’ai découvert et apprécié de plus en plus de musique canadienne. April Wine. Max Webster. Neil. Joni. J’étais mystifié par la référence au « lait au chocolat Becker’s » dont il était question dans la pochette d’un de leurs albums.

Nous avons assisté à deux concerts de Rush : en décembre 1978 au Checkerdome et en février 1980 au Keil Auditorium. En 1980, ils ont joué trois soirs à guichets fermés grâce à leur solide armée de « fans » dans la région dont Bret, Keith, Rick, Matt et moi-même faisions évidemment partie.

À cette époque, le Permanent Waves de Rush était à la fois un présage et un antidote au New Wave. Comme le suggère ironiquement le titre de l’album, Rush entendait demeurer fidèle à ses racines malgré le fait que tout ce qui était « cool » provenait désormais du Royaume-Uni et de tous ces groupes délicieusement synthétiques.

J’ai entrepris mes études universitaires au Minnesota et c’était encore moins « cool » d’aimer Rush. Après avoir avoir perçu un léger compromis musical signalé par un vidéoclip pour la pièce The Big Money (encore de l’ironie), j’ai délaissé le groupe à la faveur d’artistes locaux comme Prince et The Time tout en m’imbibant des Cure, Echo & The Bunnymen et autres REM.

Mon intérêt pour le Canada, dont Rush était à l’origine, s’est maintenu, lui. C’est grâce à la cornemuse que j’ai découvert que le Canada comptait parmi ses citoyens les meilleurs cornemuseurs d’Amérique du Nord et la scène musicale pour cet instrument y était florissante ; je voulais en faire partie.

De temps en temps, je me rendais en Ontario avec mon père pour participer à des compétitions de cornemuse dans des villes comme Cambridge, Dutton ou Maxville. Des heures de route à 90 km/h dans notre Dodge Aspen de couleur ocre dépourvue d’une radio.

Mon cœur faisait un bond lorsque nous apercevions Toronto, au loin, sur l’autoroute 401. Était-ce vraiment les mêmes tours d’habitations que sur la pochette de A Farewell to Kings ? Les yeux rivés sur la voie de la moindre résistance.

Le Canada conservait son côté « cool ». Moins d’un an après avoir terminé mes études universitaires, j’ai réalisé mon rêve subconscient et je me suis retrouvé à Toronto pour de bon. C’était en mai 1988 et j’ai même habité le même quartier, Willowdale, que Alex et Geddy pendant plusieurs années. Je suis devenu citoyen canadien en 1995 et je ne bougerai pas d’ici.

J’ai continué à découvrir et aimer la musique canadienne et j’ai fini par transposer cet amour ainsi que ma carrière dans les communications et le marketing dans un autre de mes rêves subconscients : travailler pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique canadiens en me battant pour leurs droits et en vantant leurs réussites.

Quand je feuillète le livre de mon histoire, je n’ai d’autre choix que de donner beaucoup de crédit à cette époque lointaine en banlieue de St-Louis. Je remercie ce « power trio » si exceptionnellement irrésistible de m’avoir fait découvrir son art et d’avoir su rendre le Canada si attirant à mes yeux grâce à sa musique et aux textes de Peart.

 

Les mille et un gages imprévisibles du succès d’une chanson

publié 08/7/2019

Par Patricia Conroy

Créer une chanson géniale n’est que le début.

Il faut l’acheminer à l’interprète qui lui donnera des ailes.

Puis il y a la magie qui se produit des fois en studio, un bon vendredi après-midi, avec un groupe de musiciens merveilleux et inspirés, qui “saisissent” la chanson du premier coup et lui donnent exactement le son qu’il lui faut.

Il y a aussi le réalisateur ou la réalisatrice qui le savait d’avance en sélectionnant ces interprètes.

L’ingénieur est génial, la chanson sonne juste.

Ensuite, grâce à un coup de chance, la chanson fait l’objet d’un single qui joue dans certaines stations de radio.

Puis elle tombe dans les oreilles de quelqu’un qui quitte la maison pour de bon dans sa voiture… ou de quelqu’un qui s’apprête à entrer dans une chambre de motel pour une rencontre illicite… ou d’une mère célibataire qui s’y raccroche parce qu’il ne lui reste rien d’autre.

Chacune de ces personnes s’attache à la chanson pour des raisons différentes, étranges et réelles, et, avant longtemps, ton œuvre prend son envol et commence à se hisser dans les palmarès.

Puis c’est le succès.

Tu attrapes ta guitare et écris une autre chanson.

L’écriture de chansons, c’est une passion, et, ces temps-ci, j’essaie de créer des choses qui ont une âme.

Certains jours, toutefois, la magie n’est pas au rendez-vous, et c’est une chose qu’on ne peut pas improviser.

Le secret est peut-être de ne jamais cesser d’aller au puits.

Écoute de la musique qui nourrit ta passion.

Les idées viennent de partout : une mélodie, une expression, un film, un panneau publicitaire, un autocollant aperçu sur la camionnette arrêtée devant ta voiture à un feu rouge…

Il faut chercher des histoires, en inventer. Continue de regarder et d’écouter.

Ralph Murphy m’a raconté un jour une anecdote concernant Harlan Howard. Il m’expliquait comment celui-ci se rendait presque tous les jours dans sa brasserie locale pour le 5 à 7, juste pour écouter les conservations des gens. C’est là qu’il a trouvé plusieurs de ses meilleures idées de chansons… dans la vraie vie, en écoutant du vrai monde.

La chanson géniale, c’est là qu’elle commence. Bonne chance, et amuse-toi bien!

Métro en chanson

publié 06/26/2019

Par Chaka V. Grier

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, même depuis toute petite, les musiciens de métro, fournisseurs de prestations souterraines non sollicitées, me rendent perplexe et même triste. Debout sous un éclairage fluorescent brillant, ils exécutent des chansons originales ou des reprises souvent étonnamment agréables à écouter, et parfois assimilables à du karaoké de qualité douteuse. J’ai souvent évité de les regarder dans les yeux en me demandant quel intérêt il pourrait y avoir à faire de la musique dans un espace fréquenté par des gens comme nous qui, dans 99 pour cent des cas, ne cherchent qu’à aller du point A au point B le plus rapidement possible.

J’ai parfois jeté un coup d’œil – discret, bien entendu – sur leur étui de guitare rempli de monnaie. Parfois il n’y avait que quelques pièces, et c’est là que la tristesse apparaissait. Comme journaliste indépendante, je connaissais bien cette pauvreté, mais, en bonne artiste affamée, j’étais contente qu’elle soit secrète entre les quatre murs de mon compte en banque et non pas exposée aux yeux du monde entier. Mais tandis que je secouais la tête comme une maman perplexe – en me demandant pourquoi un guitariste de métro qui a l’air gentil et qui donne une interprétation pas mal convaincante de « You Got Lucky » de Tom Petty peut se mettre dans une pareille situation – j’ai été impressionnée par le nombre de musiciens qui se produisent fièrement et passionnément dans le métro malgré l’indifférence des passants et qui se contentent des quelques pièces de monnaie qu’ils leur jettent.

Éventuellement, à mesure que je me passionnais pour les émissions de téléréalité sous forme de compétition musicale, j’ai compris. Ces prestations nous transportent dans l’univers éreintant des auditions et de la quête de la célébrité, et les musiciens du métro, d’une certaine manière, sont des pionniers dans le domaine de ces brutales auditions publiques. Ils nous rappellent ces humoristes courageux qui montent en scène au risque de se faire huer et bravent l’indifférence et peut-être les railleries pour apprendre à s’adonner à leur passion pour le rire. Les musiciens du métro font preuve d’autant d’audace pour l’amour de la chanson.

J’ai bientôt cessé de mépriser les musiciens du métro et commencé à en apprécier la vraie grandeur. Sans m’en rendre compte, j’avais été témoin d’un des actes de courage les plus remarquables qu’une journaliste musicale puisse observer : des artistes sous-estimés qui amènent leurs chansons et leur art dans les espaces les plus froids, les plus agités et les plus superficiels que j’aie connus au cours de ma vie. Je n’avais pas compris à quel point le son d’un tambour métallique pouvait réchauffer une journée d’hiver pendant que je faisais la queue pour commander un café à la vanille française et deux beignes glacés au chocolat; à quel point le son agréable des saxophones, des guitares folk mélodieuses et des voix me signalait que j’étais arrivée à ma station et que je serais bientôt chez moi, ou encore retenait mon attention quand j’avais rendez-vous avec un ami qui était en retard.

Un jour, j’ai abordé un musicien bourré de talent dans la station Bloor-Yonge du métro de Toronto. Il m’a raconté qu’il avait été en nomination aux prix JUNO et s’était produit partout au Canada. J’étais en présence d’un vrai musicien! Ça m’a rendu tellement curieuse que j’ai fait une recherche sur les musiciens du métro sur Internet, où j’ai appris que les musiciens doivent passer une audition devant la Toronto Transit Commission (TTC) pour pouvoir se produire dans ces espaces. Pour ces musiciens, le métro n’est pas la scène de la dernière chance. Ils obtiennent une licence et se voient admettre dans les rares espaces qui leur sont réservés dans le métro : 75 exactement. Ce sont souvent des musiciens ambulants, de véritables artistes bohèmes qui apprennent à connaître la diversité, l’atmosphère et l’évolution des différents quartiers de la ville en faisant le tour de ces 25 espaces. La plupart ne se contentent pas de se produire dans le métro : certains enseignent, enregistrent ou font les deux.

Le programme de la TTC a récemment pris le nom d’Underground Sounds. De nouvelles stations ont été ajoutées au circuit et, pour la première fois, les musiciens peuvent passer leur audition en ligne. Dans certains espaces comme ma propre station, celle de Finch (et aussi celles de Bloor-Yonge, Spadina et Main Street), j’ai remarqué un frappant encadrement noir en vinyle qui va du mur au plancher et qui est décoré d’autocollants d’inspiration musicale. C’est un espace réservé aux musiciens qui les sépare subtilement et efficacement de nous en nous faisant comprendre que cet endroit leur appartient. Ils ont créé le mot-clic #TTCmusic en célébration de ces musiciens méconnus qui donnent un éclat brillant à des tunnels mornes et font vibrer nos heures de déplacement. Il y a quelque chose de profondément généreux chez ceux qui apportent de la joie dans des espaces qui en sont dépourvus et qui, certains jours, ne récoltent qu’une poignée de dollars pour leur peine.

Voilà donc mon hommage aux musiciens du métro entre les stations Finch et Main Street et partout ailleurs dans le métro de Toronto. Merci de votre courage artistique. Merci de rendre plus supportable une expérience de déplacement en métro qui peut être banale, parfois peu fiable et occasionnellement exaspérante. Et merci à #TTCMusic de mettre de l’entrain dans mes journées.

La révolution numérique favorise un processus créatif précipité, moins talentueux

publié 10/12/2017

Par Miranda Mulholland

Formée classiquement en violon et en chant, Miranda Mulholland est très demandée pour son talent dans de nombreux styles musicaux. Elle est membre du duo Harrow Fair ainsi que du trio de violonistes Belle Starr, en plus de faire des apparitions occasionnelles dans le spectacle de violons Bowfire. Elole est devenu le vaisseau amiral de sa propre maison de disque, Roaring Girl Records; elle a établi le festival de musique Sawdust City dans la ville historique de Gravenhurst, en Ontario; elle est membre du conseil des gouverneurs du Massey Hall/Roy Thomson Hall; et elle siège au conseil de la Canadian Independent Music Association (CIMA).

J’adore regarder les ébauches d’une œuvre d’art. J’adore les premières versions d’une nouvelle, d’une chanson ou d’un poème. J’adore les esquisses d’une toile. Récemment, j’ai vu une esquisse à l’huile de la toile « The Haywain » de John Constable au Victoria and Albert Museum, à Londres.
On y dénote évidemment le talent de l’artiste, mais ce qui frappe, lorsqu’on la compare avec l’œuvre finale qui est exposée à la National Gallery, c’est la réflexion, les décisions et la composition qui sont entrées dans la création de cette œuvre finale. Je préfère presque l’esquisse.

David Galenson, un économiste spécialisé en art, a abordé le processus de création. Il établit une différence entre l’éclair de génie et le laborieux processus de création. On entend souvent parler du premier cas, ce qu’il appelle les « innovateurs conceptuels ». Ces auteurs-compositeurs qui ont écrit un succès No. 1 en quelques minutes. Ces peintres qui ont créé un chef-d’œuvre en quelques coups de pinceau. Cette idée remonte à la Grèce antique et à ses muses qui distribuent des idées de génie. Mais la notion que tout est créé de cette manière ignore le travail éreintant et les innombrables et minutieuses révisions derrière les créations de la majorité des artistes. Ceux-là, ce sont les « innovateurs expérimentaux ».

Il a fallu six ans à Leonard Cohen pour écrire « Hallelujah ». Bruce Springsteen a planché six mois sur les paroles de « Born to Run ». Margaret Mitchell a passé 10 ans à l’écriture de Gone with the Wind, tandis que Alistair Macleod a créé son merveilleux No Great Mischief en 13 ans.
Créer une œuvre d’art, c’est appliquer un certain scepticisme à ce qui est venu avant, ainsi que l’utilisation de sa curiosité, ce qui permet à l’imagination d’arriver à quelque chose d’entièrement nouveau grâce au talent. Dans notre monde où tout va de plus en plus vite, il est crucial d’utiliser une vision à long terme. Les gouvernements, les investisseurs, les éditeurs et les maisons de disque doivent garder à l’esprit que la plupart des artistes ont besoin de temps pour se développer, grandir, et réaliser leur vision.

Prenons l’exemple de Malcolm Gladwell, l’auteur de The Tipping Point : lorsqu’on lui demande de s’exprimer au sujet de la pression que l’industrie de l’édition exerce sur les auteurs pour qu’ils écrivent rapidement, il dit « Un travail de qualité requiert du temps. En tant qu’auteur, l’expérience des auteurs autour de moi démontre que ceux qui échouent sont ceux qui sont trop pressés. Le problème de la littérature aux États-Unis actuellement n’est pas un échec de quantitatif. C’est un échec qualitatif. »

Le climat social actuel est de plus en plus éloigné du temps et du talent. La notion que tout le monde peut enregistrer un album dans sa chambre à coucher et l’offrir gratuitement en téléchargement est, en théorie du moins, une forme de démocratisation, mais elle soulève une question : devriez-vous le faire simplement parce que vous le pouvez ? Il s’agit d’un véritable mouvement d’« amateurisation », un concept qui, lorsqu’on l’applique de manière pratique, est d’une valeur douteuse pour le consommateur.

Lorsque j’étais en secondaire 1, je faisais partie d’un quatuor à cordes qui jouait dans les mariages. Notre violoncelliste avait créé ce groupe et s’occupait de nos engagements. Elle était également la moins bonne du groupe, musicalement, et ne s’exerçait pas suffisamment à son instrument. Lors du dernier mariage durant lequel j’ai joué avec le quatuor, la mariée avait demandé que nous jouions le Canon de Pachelbel, une des pièces les plus demandées dans les mariages et une pièce que vous avez sûrement déjà entendue. La partition du violoncelle comporte huit notes jouées dans la même séquence tout au long de la pièce. Elle n’a même pas réussi à jouer cette séquence sans faire d’erreur et nous avons tous passés pour une bande d’amateurs. Après le mariage, j’ai tenté d’être diplomate et suggéré que nous répétions « en groupe » plus souvent avant de chercher de nouveaux engagements payants.

Sa réponse : la famille de la mariée semblait satisfaite et n’a pas remarqué ses erreurs. Et c’est là où j’ai un problème : on nous engage justement pour remarquer ces erreurs. On nous engage parce que nous sommes des experts, des arbitres du bon goût et du talent. Lorsque les termes de cette entente deviennent flous, la qualité en souffre. Les arbitres du bon goût respectés ont été éliminés par la diminution des budgets et remplacés par des algorithmes.

J’ai reçu des services plus que décevants de la part d’Uber et de Airbnb, j’ai lu des « nouvelles » vraiment mal écrites et des billets de blogue — ce soi-disant « journalisme citoyen » — qui se contentent de régurgiter des communiqués de presse, et je me suis demandé quand nous étions devenus si effrayés par le talent et l’expertise.

Les véritables arbitres du bon goût sont en voie d’extinction. La production de contenus a connu une croissance exponentielle au cours des 20 dernières années. La critique et le public sont submergés par les choix qui s’offrent à eux tandis qu’au même moment, les arbitres du bon goût sont mis à pied et remplacés par des amateurs.

L’un des supposés bénéfices de la révolution numérique dont nous sommes tous désormais bien conscients est le ciblage. Grâce aux vastes quantités de données récoltées à notre sujet, nous pouvons cibler notre auditoire avec une grande précision. Cette précision permet à des créneaux de marché très nichés de trouver leurs consommateurs.

Le hic, c’est que les niches de marché ne sont pas chose simple. Car puisque le système de diffusion en continu est fondé sur les parts de marché, la minuscule fraction de sou que vous touchez par diffusion diminue dramatiquement si votre musique n’est pas grand public. Moins on l’écoute, moins elle se retrouve dans les algorithmes de listes d’écoute et moins elle sera jouée, si elle l’est… Les niches de marché sont comme l’ourobouros, ce serpent qui mange sa propre queue. Non seulement ça, mais en raison de l’infime proportion du marché qu’elles représentent, elles sont parfois tout simplement oblitérées.

Pourtant, favoriser ces niches est important. Pourquoi ? Prenons l’exemple d’une langue : elles contiennent toutes des mots qui sont rarement utilisés. Ce ne sont pas des mots grand public. Mais ces mots expriment absolument et complètement un sentiment. Saviez-vous que le mot abstème signifie « qui ne boit pas de vin » ? Ce n’est pas un mot qu’on utilise fréquemment, mais je suis tout de même heureuse qu’il existe.

Lorsque nous limitons et entravons l’accès à ces mots, nous limitons notre pensée. Souvenez-vous de Winston Smith dans 1984, un roman qui est de plus en plus prophétique chaque jour. Son travail était de purger le dictionnaire de ses mots afin de limiter et de contrôler la pensée, créant ainsi la « novlangue ». Des outils comme les correcteurs et prédicteurs de texte accélèrent ce processus.

Je crois également que les algorithmes menacent de nous limiter et de nous contrôler. Leurs calculs sont basés sur des décisions que vous-même et des milliers de gens aux goûts similaires avez prises auparavant. Cela limite l’imagination, les découvertes inattendues, et les choix contre-intuitifs qui ont le pouvoir de changer radicalement notre façon de penser. Et n’est-ce pas justement là tout le pouvoir de l’art : changer notre façon de penser ?

Mais alors, quelle pièce maîtresse nous manque-t-il ? On la trouvera dans le processus de création artistique. C’est la clé de voûte de la créativité : l’imagination. L’imagination engendre le scepticisme, pas à travers le doute, mais à travers la curiosité. Elle nous permet de ne pas accepter les absolus et les idées reçues, elle nous permet d’entrevoir de nouvelles perspectives, de nouvelles solutions et de nouvelles réalités. Nous pouvons utiliser les outils que sont le scepticisme et la curiosité afin de prendre possession de nos propres décisions et accéder à de pensées, découvertes et inspiration nouvelles et excitantes.

Créer des pubs ciblées pour des nouvelles, de la musique, des suggestions de lecture et d’autres produits susceptibles de nous plaire est facile. Mais facile ne veut pas toujours dire bon. Nous nous devons d’être plus sceptiques que jamais et de reprendre possession du pouvoir d’être nos propres arbitres du bon goût.

Une crise, mais pas la fin d’une carrière

publié 05/30/2017

Par Unison Benevolent Fund

Le Fonds de bienfaisance Unison a commencé par une idée griffonnée sur une serviette en papier en 2009. Sous le choc d’un accident catastrophique qui a laissé un brillant musicien dans une situation désespérée, les vétérans de l’industrie de la musique Jodie Ferneyhough et Catharine Saxberg ont été témoins de l’incroyable compassion et de l’immense générosité de la communauté musicale canadienne, mais ils savaient qu’il était possible d’en faire encore plus pour offre un filet de sécurité aux membres de l’industrie qui se retrouvent en fâcheuse position. Huit ans plus tard, Unison est réellement devenu une ressource robuste pour les professionnels de l’industrie canadienne de la musique en situation de crise.

Tous les services offerts par Unison — counseling, soutien au mieux-être et aide financière d’urgence­sont offerts gratuitement et dans la plus grande discrétion. C’est pourquoi Unison est vraiment reconnaissante lorsqu’une personne témoigne publiquement de leur expérience et du rôle que l’organisation a joué dans leur vie. L’un des artistes qui l’a récemment fait est Kaleb Hikel, le compositeur et musicien derrière The Sun Harmonic. Nous vous présentons donc ses réflexions sur ce qui l’a mené vers Unison.

Comment avez-vous découvert le Fonds de bienfaisance Unison et que cherchiez-vous ?
On m’a recommandé Unison, un ami à moi qui est aussi dans l’industrie de la musique. On discutait pendant notre pause dîner de la douleur aux poignets que j’avais récemment commencé à ressentir tant à mon travail que lorsque je joue de la musique. À ce moment-là, je n’avais aucune idée de ce que ça signifiait et jusqu’où ça irait. On m’a diagnostiqué une tendinopathie au poignet gauche en août 2015 et deux mois plus tard au poignet droit. J’allais avoir besoin de soutien pour pouvoir quitter mon emploi et traverser la longue période de convalescence. Je savais que je n’arriverais pas seul à quitter mon emploi et cesser de jouer, écrire et enregistrer de la musique.

Quel soutien avez-vous reçu qui vous a été le plus bénéfique ?
J’ai passé tout mon temps à me concentrer sur la guérison des microtraumatismes répétés dont je souffrais aux deux poignets. Je me rendais dans une clinique de Toronto chaque semaine et Unison m’aidait à payer mes dépenses de base à la maison. Sans le soutien d’Unison, la seule autre option que j’aurais eue aurait été de démanteler mon studio et d’abandonner tous mes projets d’enregistrement. C’était une période très confuse.

Quelles ressources la communauté musicale canadienne aurait-elle pu fournir en soutien aux personnes qui se retrouvent dans des situations similaires à la vôtre ?
Je crois qu’il y a un certain tabou à parler de blessures ou de sacrifices mentaux ou physiques dans la carrière d’un musicien. On parle toujours d’inspiration, de transpiration et de détermination sur la scène musicale, mais notre corps et notre esprit paient pour tout ça. Je crois qu’il devrait y avoir plus de ressources afin de prévenir les blessures. Plus de présence aux conférences, festivals, en ligne, partout où se trouvent des musiciens qui n’ont pas encore subi de blessures.

Comment votre vie en tant que professionnel de l’industrie de la musique a-t-elle changé ou évoluée depuis que vous avez communiqué avec Unison.
Ma vie a régressé puis s’est réinventée et peut-être un peu revigoré depuis que j’ai communiqué avec Unison. Je suis passé d’une situation où je lançais mes projets autoproduits et partais en tournée d’un bout à l’autre du pays à celle de ne pas du tout pouvoir toucher mes instruments pendant trois mois entiers. Mon écriture a été grandement affectée, mais ironiquement, ça m’a inspiré, surtout que je ne pouvais qu’écrire et que je jouais très peu. Je ne suis pas encore officiellement remonté sur scène — je n’ai pas joué plus de trois chansons sur scène — depuis août 2015 alors que j’avais joué sur la plage à Grand Bend. J’espère remonter sur scène cette année afin de pouvoir partager toutes les émotions et les chansons que j’ai écrites durant cette longue, mais créative convalescence.

Des conseils ou des encouragements à transmettre aux gens qui songent à communiquer avec Unison ou un autre organisme du genre ?
Ce que j’ai trouvé le plus difficile c’est de prendre ça très au sérieux, très rapidement. Les luttes sont quotidiennes dans le domaine de la musique et dans la vie des musiciens indépendants, mais ma blessure s’est déclarée trop rapidement pour que je puisse planifier quoi que ce soit. J’ai dû me regarder dans le miroir et me dire, « ça pourrait être la fin de ta musique », afin de me convaincre qu’une pause valait mieux qu’une fin. J’encourage tous ceux qui sont sur le point de se blesser ou en convalescence de garder leur art à l’esprit. Continuez de créer, sans empirer votre blessure, bien entendu. Ce fut une des périodes les plus créatives de ma vie, et c’est quelque chose d’incroyablement positif qui est ressorti d’une période très négative de ma vie.

Pour en savoir plus sur les programmes gratuits et confidentiels offerts par Unison aux professionnels canadiens de la musique, ou pour faire un don, visitez le fondsunison.ca.

Drake : plus qu’un rappeur

publié 03/29/2017

Par Howard Druckman

Après les Grammy Awards 2017, où « Hotline Bling » a remporté le trophée de la meilleure performance rap/chantée et celui de la meilleure chanson rap, Drake a déclaré, sur les ondes de la radio OVO Sound d’Apple Music : « On me qualifie d’artiste noir, comme hier soir [aux Grammys], je suis un artiste noir… Apparemment, je suis un rappeur, même si “Hotline Bling” n’est pas une chanson rap ». Il se retrouve catalogué comme artiste rap même si « Hotline Bling » est réellement une chanson pop.

À tout dire, Drake a des goûts musicaux remarquablement éclectiques. Sur sa nouvelle « playlist » (qui est en fait un album) intitulée More Life, on peut entendre des échantillonnages de Lionel Ritchie (« All Night Long »), Earth Wind & Fire (« Devotion »), du DJ sud-africain Black Coffee (« Superman »), de l’artiste australien Hiatus Kaiyote (« Building a Ladder ») et même un petit extrait du thème musical du jeu vidéo Sonic the Hedgehog. Il y explore des genres musicaux tels que l’afrobeat, le grime, la musique arabe en plus de poursuivre son exploration des styles musicaux caribéens comme le dancehall, le trap et d’autres qu’il nous a présentés (ainsi qu’au monde entier) sur VIEWS.

Drake est un avide auditeur, et porte-étendard, de tous les styles musicaux. Prenez l’exemple de son travail de curateur pour l’accompagnement musical d’une exposition d’œuvres d’artistes afro-américains des 70 dernières années présentée par la galerie d’art Sotheby’s S|2 : on y retrouvait entre autres la pièce « 32-20 Blues » du pionnier du genre, Robert Johnson. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que Drake affirme qu’il écoute cette chanson avant chacun de ses spectacles, parce que « c’est comme ça que je me prépare. »

Un autre bon exemple de cet éclectisme est l’échantillonnage qui est au cœur de « Hotline Bling », tiré d’une pièce de Timmy Thomas — « Why Can’t We Live Together? », le seul succès de cet artiste — parue en 1972, une chanson au tempo plutôt lent qui plaide pour la paix dans le monde. Drake serait tombé amoureux de cette chanson après que son bras droit et réalisateur Noah « 40 » Shebib lui ait fait découvrir. Dans une entrevue accordée à Nardwuar, qui lui a fait entendre un message de remerciement de Thomas, Drake a répondu : « je veux le remercier d’avoir fait cette incroyable musique du temps qu’il faisait de la musique. Et surtout d’avoir créé quelque chose d’intemporel, parce que c’est très difficile, et pas juste quelque chose qui vous touche encore des années plus tard, mais quelque chose qui est tellement bon qu’on peut en prendre un petit bout et faire quelque chose d’autre avec. Ça prend une création réellement exceptionnelle. »

Mais l’un des exemples les plus remarquables entre tous fut cette brève fuite en ligne d’une pièce où Drake chantait un couplet de la pièce « These Days » une ballade aussi triste que magnifique que l’auteur-compositeur-interprète Jackson Browne avait écrite pour la chanteuse de Velvet Underground, Nico, en 1967. Drake a fait équipe avec Babeo Baggins de Barf Troop afin de l’enregistrer pour un EP de reprises. « C’est bien simple, “These Days” est ma chanson préférée », avait alors déclaré Baggins au magazine Fader. « Je l’ai partagée avec mon ami qui ne l’avait jamais entendue avant. Il l’a beaucoup aimée, il a dit que c’était vraiment une grande chanson. » La version non autorisée de Drake a depuis belle lurette été retirée d’Internet et Baggins ne l’a pas publiée, mais vous pourrez tout de même entendre la version de 1973 par Nico ici.

Peut-être que c’est parce qu’il écoutait les disques dans la collection de son père, lorsqu’il était plus jeune. Peut-être qu’il a tout simplement l’esprit très ouvert, musicalement. Peut-être qu’il se lasse facilement et qu’il a constamment besoin d’explorer. Peut-être un peu de tout ça. Mais peu importe la raison, Drake est en contact avec toutes sortes de musique, et c’est pour cette raison que sa propre musique est si solide.