Archives par étiquette : Touring/Live

Si le Massey Hall m’était conté…

publié 11/3/2021

Par David McPherson

David McPherson, un collaborateur régulier du magazine Words & Music de la SOCAN, vient de publier son deuxième livre, Massey Hall (Dundurn Press, 2021), qui raconte l’histoire de la légendaire salle de spectacle de Toronto, vieille de 127 ans. Jouer dans cette salle a toujours été un rêve pour tous les musiciens canadiens. Quelques semaines après la rédaction de ces lignes et après des années de rénovations majeures, la salle rouvrira ses portes. Nous soulignons donc les deux événements en demandant à David de nous parler de quelques-uns de ses propres souvenirs de spectacles inoubliables au Massey Hall. Le livre est disponible ici et vous pouvez suivre David sur Twitter et Instagram, au @mcphersoncomm et @masseyhallbook sur ces deux médias.

Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai quitté le trottoir de la rue Shuter à Toronto et que j’ai franchi ces trois portes rouges. La magie entre les murs du Massey Hall était palpable. Je l’ai ressentie immédiatement et elle ne m’a jamais quitté. J’ai ressenti l’esprit des artistes qui avaient franchi cette entrée et étaient montés sur cette scène historique au cours du siècle dernier. J’étais loin de me douter ce soir-là qu’un jour, j’écrirais un livre sur ce lieu emblématique et culturellement important. C’est avec humilité que j’ai eu le soutien et la confiance de l’équipe du Massey Hall et de mon éditeur (Dundurn Press) pour raconter cette histoire. Tout comme Hart Massey a fait don de ce monument vivant à la ville de Toronto en 1894, avoir le privilège de raconter l’histoire du bâtiment a été un honneur incroyable que je n’ai pas pris à la légère.

Depuis le premier concert que j’ai vu au Massey Hall (The Pretenders, le 1er mars 2000), je me suis assuré de communier régulièrement dans cette église de la musique au cours des années qui ont suivi. J’y ai vu d’innombrables spectacles, et chacun d’entre eux reste gravé dans mon esprit pour différentes raisons. Il suffit que je regarde le talon du billet pour que mon esprit s’emballe – des flashs de cette nuit reviennent, un sourire se dessine sur mon visage et, pendant un bref instant, je me perds dans la musique d’un autre souvenir au Massey Hall.

Pour une raison quelconque, je n’avais jamais vu de spectacle au Massey Hall avant de m’installer à Toronto à la fin des années 1990. Au secondaire, j’habitais à plus d’une heure de route, à Kitchener-Waterloo. J’ai assisté à la plupart des concerts que j’ai vus – dans ce que l’on considérait alors comme la « grande ville » – dans des salles comme le Maple Leaf Gardens, Exhibition Place au CNE, The Forum à Ontario Place et Kingswood Music Theatre à Canada’s Wonderland. Ce qui me frappe, c’est que tous ces lieux où j’ai vu certains de mes premiers concerts (The Who, The Rolling Stones, Steve Miller Band, Tragically Hip, pour n’en citer que quelques-uns) ont disparu, mais Massey est encore là. En soi, cela rend la Grande Dame de la rue Shuter d’autant plus unique.

Au secondaire, les concerts me permettaient d’échapper à mes pensées, de partager des moments musicaux avec mes meilleurs amis et d’être un adolescent, tout simplement. Par exemple, je me souviens avoir bu des bières alors que j’étais mineur au Golden Griddle avant un concert d’Iron Maiden au Maple Leaf Gardens. Bien que mon père et moi ayons assisté à de nombreux matchs des Maple Leafs aux Gardens pendant ma jeunesse, je n’aurais jamais même pensé aller voir un concert avec lui. J’ai appris à aimer Jimmy Buffett, Neil Young, Gordon Lightfoot et Joni Mitchell en fouillant dans sa collection de vinyles, mais la relation musicale entre mon père et moi s’est arrêtée là.

Quand j’ai reçu mon diplôme universitaire, le fossé entre nos goûts musicaux, qui avait déjà été aussi grand qu’une forêt, a rétréci. Nous avons trouvé des points communs et l’étape suivante était, logiquement, d’aller voir des concerts ensemble. Et on s’est gâtés! The Guess Who, The Chicks, The Eagles, CSNY et tant d’autres. . . Depuis, j’ai vu plus de concerts avec mon père qu’avec qui que ce soit d’autre, et beaucoup de ces concerts étaient au Massey Hall. Pas surprenant que je lui aie dédié mon nouveau livre sur le Massey Hall. On a vu Lightfoot. On a vu Daniel Lanois et Emmylou Harris. Jackson Browne en solo et aussi Bruce Cockburn. J’ai vu un de mes spectacles préférés de tous les temps, toutes salles confondues, au Massey en compagnie de mon père : la tournée Chrome Dreams II de Neil Young en 2007.

L’été dernier, le jour de mon anniversaire, j’ai reçu l’un des cadeaux les plus spéciaux – et les plus inattendus – de la part de papa : un siège à mon nom au Massey Hall fraîchement rénové avec l’inscription suivante : « David W. McPherson. Author (Massey Hall, Dundurn Press 2021). Music is the elixir of life. » Ce qui a rendu ce cadeau encore plus significatif, c’est que mon père a également acheté un siège pour lui juste à côté du mien avec la dédicace suivante : « Barry D. McPherson. Concerts Together, Forever. » Difficile de ne pas être ému quand j’ai ouvert ce cadeau. J’ai hâte de retourner au Massey Hall cet automne pour voir ces sièges, m’imprégner de la magie de ce lieu rajeuni et partager une autre soirée en musique avec mon père.

J’ai couvert de nombreux autres spectacles à Massey au fil des ans en tant que journaliste et critique musical, notamment Lucinda Williams, Barenaked Ladies, Loretta Lynn, Steve Earle et John Hiatt avec Lyle Lovett. Voir John Prine, mon auteur-compositeur préféré, pour la première fois (le 16 septembre 2006) a été une autre soirée magique.

Voici quelques autres spectacles marquants que j’ai vu avant la fermeture du Massey Hall pour des rénovations qui allaient durer trois ans et coûter des millions de dollars : Jason Isbell (29 août 2017), et la cérémonie du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens (23 septembre 2017), qui a vu Bruce Cockburn et Neil Young intronisés le même soir, avec Whitehorse, Blackie & the Rodeo Kings, William Prince, Randy Bachman, Ruth B et d’autres rendant hommage à ces légendes.

Puis les deux derniers spectacles avant la fermeture en 2018. Le premier fut un spectacle pour souligner le 124e anniversaire de la salle en juin durant lequel Whitehorse agissait comme orchestre maison pour des invités comme Buffy Sainte-Marie, Sarah Harmer, Sam Roberts et Jim Cuddy. La dernière fois que j’ai franchi ces trois portes rouges pour un spectacle, c’était le jour de la fête du Canada 2018, lorsque j’ai vu Gordon Lightfoot jouer dans son deuxième chez-soi, où il s’est produit plus de 165 fois.

Au moment d’écrire ces lignes, le Massey Hall rouvrira dans quelques semaines. Personne ne sera surpris que ce soit Gordon Lightfoot qui inaugurera la nouvelle salle avec une série de trois spectacles. J’ai hâte de voir Lightfoot rejouer dans l’emblématique salle de sa ville natale en compagnie de plus ou moins 2800 personnes sur la même longueur d’onde. Peut-être qu’on s’y croisera lors de ce spectacle ou d’un autre. D’ici là, longue vie à la musique « live » et au Massey Hall!

De plus à propos de David McPherson

L’inventivité canadien remplace l’isolement par l’adaptation

publié 06/24/2020

Par Howard Druckman

Il y a maintenant plus de trois mois que les instructions des responsables de la santé publique nous condamnent à l’auto-isolement en réponse à la propagation du virus de la COVID-19. Les 100 derniers jours n’ont pas été faciles pour celles et ceux qui font de la musique.

À une époque où l’écoute de la musique en ligne est devenue la norme et où les taux de redevances d’exécution sont au plus bas, les spectacles en direct sont le refuge le plus sûr des créateurs de musique désireux de continuer à gagner leur vie. Depuis que les salles ont été contraintes à fermer leurs portes, les musiciens se sont tournés vers les plateformes de diffusion en ligne pour survivre – qu’il s’agisse d’offrandes, de vente de billets ou de redevances du programme Encore! de la SOCAN.

Même si les règles commencent à s’assouplir dans certaines régions du pays, la première vague n’est pas encore terminée, et nous vivons sous la menace d’une seconde vague, ce qui veut dire que la rareté des spectacles en direct pourrait durer plus longtemps que prévu.

La bonne nouvelle, c’est que l’inventivité des Canadiennes et des Canadiens remplace l’isolement par l’adaptation. Une poignée de musiciens ont mis leur créativité au service de la découverte de façons sécuritaires de présenter des concerts en direct en pleine pandémie. La nécessité est la mère de l’invention, et certaines des solutions qui ont vu le jour dernièrement sont franchement élégantes.

Concerts organisés dans un ciné-parc. Le premier projet canadien de concert organisé dans un ciné-parc  dont j’ai entendu parler a été celui de la formation québécoise 2 Frères. Ce fut ensuite le tour de July Talk et de Brett Kissel, puis du RBC Bluesfest avec le CNA à Ottawa. Écouter de la music en direct en toute sécurité dans votre auto me semble être un excellent compromis. J’aime l’idée que ça donne une seconde vie aux ciné-parcs, dont on se souvenait avec une certaine nostalgie. Un concert rock présenté depuis le toit d’un immeuble devant un terrain de stationnement rempli d’autos était également prévu à Prince George, en Colombie-Britannique. Dans la même veine, une nouvelle organisation appelée Hotels Live lance la toute première série de concerts de balcon d’hôtel au Canada, initiative qui rappelle le concert présenté à Montréal par Martha Wainwright sur un balcon.

Mini-concerts. Les musiciens peuvent se produire en toute sécurité devant des auditoires d’une personne ou de deux, trois ou quatre membres d’une même famille à la fois. Le Festif! de Baie-Saint-Paul (Charlevoix, Québec) a entrepris une série « tournée des portes » dans le cadre de laquelle il chantait une chanson devant une maison, puis une autre devant celle du voisin. Matt Masters, de Calgary, vend des billets pour des concerts sur le trottoir présentés à partir du toit de sa mini-fourgonnette devant des maisons de fans. Son concitoyen Michael Bernard Fitzgerald accueille dans sa cour arrière des auditoires de quatre spectateurs à la fois dans le cadre de mini-concerts.  À Esquimalt, en Colombie-Britannique, Jeff Stevenson se tient sur la rive de la Gorge Waterway pour faire une sérénade à des groupes de personnes qui passent en bateau. Stéphanie Bédard, au Québec, fait quelque chose de similaire avec son « Tour des lacs ». Les Dear Criminals de Montréal ont présenté 72 prestations en direct d’une chanson chacune en trois jours au Cabaret du Lion d’Or devant des auditoires de deux personnes à la fois.

Scènes mobiles. Les musiciens peuvent effectivement faire des tournées en apportant leur scène avec eux afin de respecter les règles de distanciation physique. Michael Bernard Fitzgerald se propose d’entreprendre à l’automne une tournée des fermes canadiennes devant des auditoires de 10 personnes par soir à partir de la « Greenbriar », une scène en plein air qu’il a construite. Dans le même ordre d’idées, le Io Project est une scène mobile « anti-COVID » qui permet aux artistes de se produire en direct devant jusqu’à 250 spectateurs regroupés par grappes de deux à quatre personnes et isolés par des feuilles de plaxiglass.

Autres idées

* Pourquoi pas une série de concerts de cour intérieure dans le cadre desquels les musiciens se produiraient dans la cour d’immeubles résidentiels sélectionnés pendant que les locataires écoutent leur musique en toute sécurité sur leur balcon?
* Ou, à l’inverse, en répartissant les membres d’un groupe sur plusieurs balcons d’un immeuble résidentiel et en les faisant jouer à distance devant un public confortablement installé plus bas dans la cour intérieure?
* On pourrait engager des musiciens individuels pour se balader à intervalles réguliers dans des sentiers pédestres ou des parcs publics, à une distance réglementaire, afin de distraire les gens qui prennent de l’exercice à l’extérieur durant la pandémie et de rendre leurs sorties encore plus agréables.
* Les municipalités de partout au pays pourraient permettre aux restaurants d’accueillir des artistes sur leur terrasse pour ajouter une note de gaieté à leurs repas en plein air (même si la Ville de Toronto en a dernièrement décidé autrement en assouplissant les règles liées à la pandémie).
* Pourquoi ne pas permettre la présentation de spectacles dans des kiosques de parcs publics où une distanciation sociale (modérément appliquée) est observée?

Ces façons intelligentes de s’adapter prouvent qu’il est encore possible de songer à de nouvelles manières de se présenter en spectacle en espérant que d’autres idées brillantes soient mises à exécution. Un grand merci à celles et ceux qui découvriront de nouvelles façons géniales de nous rapprocher un peu plus des joies de la musique en direct.

À propos de Howard Druckman